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  • Photo du rédacteurMarie D

"Sacerdoce", comme des confessions sur grand écran

Le 18 octobre sort au cinéma "Sacerdoce", un film documentaire consacré aux prêtres. Pourquoi un documentaire? Pourquoi sur les prêtres?

Rencontre avec Damien Boyer, réalisateur.




Aller voir un documentaire, c’est sympa parfois, mais ça manque de sensations fortes… Alors, un documentaire sur les prêtres, pourquoi?


Clairement, pour en prendre plein la vue !


On a des séquences de prêtres partout, sauf dans l’Église. Certains disent qu'il faut être dans les périphéries, le Christ le dit d’ailleurs en premier. Avec l'équipe de production, on est allé voir ces prêtres partout où ils vont, dans leur vie au quotidien et dans leur terrain de mission, leur terrain d’aventure. On se retrouve dans des paysages somptueux.



Une vie de prêtre romancée?

Non, pas vraiment. On va parler de fragilités, on va parler des grandes difficultés de chacun d’entre eux. Ils lâchent totalement prise.



Pourquoi payer une place de cinéma pour voir des hommes?

On va voir au cinéma ce qu’on ne pourra quasiment jamais voir en vrai : un prêtre et ses mystères, mais qui va se dévoiler complètement. Le principe c’est celui d’une confession inversée, c’est-à-dire qu’au lieu d’être dans une petite boîte noire au fond de l’église, ce sera du grand public, on va tout balancer. On veut savoir ce qui se cache derrière le prêtre.


Je me rappellerai toujours : j’ai réalisé un film pour un prêtre polonais qui était en France. On a fait un film sur son église, sur sa mission. Quand il a vu le film, il était très en colère.

Je lui demande : "Mais qu’est-ce qu’il se passe ?"

On a vraiment travaillé les couleurs, la lumière… Tout était vraiment parfait.

Il me dit : "Mais tu ne vois pas le problème ?"

On regarde de nouveau le film.

"Non, je ne vois pas.

- Regarde encore ! Ce n’est pas possible ! C’est une honte, ce film !

- Je suis désolé, là je suis dépassé… Pourtant j’ai de l’expérience dans le film, et je ne vois pas le problème…

- Mais si ! C’est que l’église est vide !"

Je lui dis : "Ben, c’est normal ! C’est une église catholique !

- Mais non ! Moi je viens de Pologne et les églises sont pleines ! Une église vide, ça ne sert à rien."


Une église est au milieu du village, mais elle n’a quasiment pas d’utilité pour la majorité des Français, sans que ce soit un problème : c’est juste un simple constat. C’est un lieu historique.


C’est fou, c’est tellement resté ancré en moi que c’est complètement nouveau de voir des prêtres qui ont une vie, une vie vivifiante, une vie de passionnés, et qui, malgré les églises vides, sont là, se démènent, disent la messe tout seuls... C’est même un mystère. On se dit : "Mais qu’est-ce qui les motive autant??"


Eh bien, c’est ce qu’on est aussi allé raconter, et on va voir qu’on a beaucoup de surprises dans ce film qui vont nous expliquer ça. On voit qu’ils sont tout sauf seuls en fait.



Certains prêtres ont la responsabilité de paroisses à 20, 30 clochers… Que pensez-vous de cette charge ?

Je ne pense pas qu’il manque de prêtres en France. Ce que dit un des prêtres interviewés dans le film : "Ce ne sont pas les prêtres qui engendrent des chrétiens, ce sont les chrétiens qui engendrent des prêtres." C’est juste une conséquence. On a besoin de serviteurs comme les prêtres.

Effectivement, on peut se poser la question : est-ce qu’il manque des prêtres ? Ou alors : est-ce qu’il n'y a pas beaucoup moins de Français fervents, qui aiment Dieu, qui sont passionnés par la figure du Christ ? Est-ce que ce n’est pas ça la vraie question ?



On parle d’une crise des vocations sacerdotales en France. Les séminaires, pour la plupart, sont vides. Le nombre d’ordinations chaque année diminue. C’est ce que vous avez vu, des prêtres en crise ?

Je ne suis pas vraiment sûr qu’il y ait une crise des vocations. Je pense qu’il y a une crise de foi en général. En même temps, il y a une énorme quête, une recherche de spiritualité de la part des Français. Je pense que bien souvent, la bonne nouvelle, celle qui éclabousse dans le bon sens du terme, est très mal présentée. On voit dans ce film que quand les prêtres, puisque c’est d’eux dont on parle, sont hyper honnêtes et ont l’intention de ne pas amener les autres dans leur propre paroisse, clairement, mais juste de les aimer, cela change tout. On voit les fruits que cela peut porter. C’est hallucinant !



Les prêtres. Aujourd’hui, c’est un sujet dont on aimerait moins entendre parler… Le prêtre en France, c’est celui dont le nom sort dans le journal, celui dont la conduite éclabousse tout… Celui qui a fait souffrir des personnes et qui parfois nie toute réalité. Celui qui nous dégoûte, jusqu’à l’écœurement, tant les scandales ne cessent de faire surface…

Désormais, il est celui dont on se méfie, qu’on ne peut regarder sans s’interroger : "Bon… Celui-là, que cache-t-il? Comment vit-il sa sexualité? Suis-je en sécurité près de lui? Puis-je lui confier mes enfants?"

Le prêtre, c’est celui pour qui le catholique bien pensant prie. "Mon Dieu, donnez-nous des prêtres". Mais c’est celui qu’on a peur de découvrir un jour dans sa propre famille : "Mon fils, devenir prêtre? Ah non !!! Quelle vie? Quel avenir? Quel regard les autres vont-ils porter sur lui dans la rue? Comment va-t-il tenir? Comment va-t-il échapper à la dépression?"


Effectivement, c’est un vrai mystère : pourquoi, aujourd’hui, un jeune homme qui a étudié, qui parle bien, qui est beau gosse, qui peut se marier, avoir une vie toute tracée, va décider d’aller dans la pire des entreprises, celle dont la marque employeur est la plus salie, qu’est l’Église ? C’est absolument incompréhensible. Et en plus, en pleine conscience !

Un des prêtres du film, Paul Benizit, va nous dire : "Je sais que je risque de manger mon pain noir. Pour le reste de ma vie, je vais porter cette image de l’Église du passé, de la pédocriminalité, et prendre le risque de n’être jamais entendu, de ne jamais être cru. Et pourtant ! Et pourtant, je veux le faire."


Un exploitant de cinéma qui n’est pas du tout initié à la foi m’a dit : "Mais si ces hommes-là, avec ce parcours possible, décident de faire un deuil sur cette vie-là et de se donner pour l’Église et pour Dieu, alors forcément il y a quelque chose de merveilleux derrière, et on a envie de savoir ce que c’est !"

On a envie de savoir qui est cette personne, ce fameux Jésus, qui paraît très moderne du coup. Il ne peut pas être un vieux Jésus. On parle de quelque chose de vivant, d’un mouvement qui explose l’âme !

Mais qui est Jésus ?





Quelque chose a forcément changé pour vous. Comment vous apparaissait le prêtre avant ce film? Qui est-il après ce film? Qu’est-ce qui est nouveau pour vous?

Ce qui est nouveau pour moi, c’est ce mystère du célibat. Pourquoi devenir célibataire?


J’ai vu que c’était quand même une certaine souffrance, contrairement à ce que disent beaucoup de catholiques : "Mariés à l’Église, c’est beau ! C’est un don de Dieu !" Je vois qu’il y a une vraie souffrance aussi ; ils ne l’ont pas choisie : ça fait partie du pack. Mais en même temps, je vois cette disponibilité. Et je vois aussi que quand c’est choisi, finalement c’est assez proche du chemin du mariage. On en parle très bien dans le film.


Pour moi, ce célibat était un des problèmes numéro 1 – beaucoup de Français font le lien avec la pédophilie. Pour moi, c’est vraiment nouveau de me dire que le célibat peut être fécond. En tout cas je crois aujourd’hui que c’est un vrai chemin. Je le respecte beaucoup, beaucoup plus qu’avant. Un chemin pour être disponible, pour être tout à tous. C’est une autre façon d’être au monde, comme dit le père Potez. Ça, c’est une nouveauté pour moi. Et j’ai beaucoup d’admiration.


Je me dis que cette radicalité, c’est beau et ça m’interroge, ça nous interroge tous sur cette quête. Est-ce qu’on ose aller jusqu’au bout de cette question du sens de nos vies, du don de soi, de ce qu’on est capable, qu’on est d’accord de traverser, de supporter, de perdre, pour donner aux autres. Et pour être heureux ! avec joie ! Ce don de la joie m’interroge beaucoup. Ce film est un élan pétillant de vie qui va toucher beaucoup plus que les chrétiens, je l’espère. C’est beaucoup plus large. C’est très universel. Sans le savoir, ces prêtres nous invitent à nous poser la question du sens de nos vies.




Le titre : "Sacerdoce"

Là, vous faites fort… Qui, aujourd’hui, met quelque chose derrière ce mot?

Alors racontez-nous?? Pourquoi ce titre?

Pourquoi le mot "sacerdoce"? On a longtemps réfléchi. C’est un mot qui évoque clairement cette fonction, cette dignité de ceux qui sont un peu comme des passerelles, comme des ponts entre terre et ciel. Pour nous, c’est un symbole vivant du lien entre le terrestre et le spirituel. Le fait d’être des hommes quand même à part, et en même temps complètement dans la réalité.

Au-delà de leur fonction, de leurs habits distinctifs, on va rencontrer dans ce film des hommes qui ont des aspirations, des passions, des fardeaux qui leur sont propres aussi. Ce sont ces prêtres-là, ces hommes que l’on va rencontrer, qui ont fait ce choix radical du célibat, de ce vœu d’obéissance aussi, qui reste quand même un mystère en 2023 dans le pays de la liberté.


Cela se passe ainsi depuis des siècles. C’est un vrai mystère. Ça paraît complètement décalé. Cela devient même énervant quand on s’y intéresse. Cela nous renvoie peut-être à notre recherche, à ce manque de radicalité dont on aimerait peut-être être plus imprégné. Quand on voit les prêtres de l’extérieur, on ne les aime pas, mais quand on en connaît un, on l’aime beaucoup. Il y a vraiment un contraste intéressant à analyser.


Je ne vais pas répondre, j’invite à réfléchir : est-ce qu’ils n’ont pas comme rôle de lancer une invitation, d’être des amis, comme Jésus ?




Les salles où le film est diffusé


La bande annonce du film


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