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L’âme sœur existe-t-elle ?

Comment appréhender le discernement d’un futur conjoint




L’âme sœur existe-t-elle ? C’était le titre accrocheur d’une conférence donnée il y a quelques années devant des jeunes professionnels. Cela avait fonctionné. Nous étions venus en masse comme en témoignait le nombre important de jeunes gens assis à même le sol. Un couple avait donné un beau témoignage, celui de leur rencontre. Pourtant, ce soir-là, un jeune homme fit part de sa déception en prenant la parole après le témoignage : ils n’avaient pas répondu à la question. Je me suis moi-même posé cette question, et je ne suis pas certaine d’avoir résolu le problème.


Qu’entend-on par « âme sœur » ? Souvent cette expression est employée pour désigner « la bonne personne », celle avec qui nous souhaitons nous engager pour toute la vie.


D’où vient le problème dont je parlais plus haut ? Il y a plusieurs conceptions de l’« âme sœur », et c’est sans doute ces conceptions qu’interroge notre première question :

  • Certains pensent qu’il n’existe qu’une personne qui puisse être notre époux ou épouse. Cette conception donne souvent à Dieu le rôle d’entremetteur : Dieu, qui nous connaît depuis toute éternité, puisqu’Il nous a créés, est vu comme Celui qui a créé la bonne personne avec qui nous pourrons partager notre vie. Dans cette option, l’âme sœur préexiste au choix que l’on fait de notre conjoint, il s’agit de la trouver et de ne pas se tromper.


  • D’autres soutiennent que plusieurs personnes peuvent devenir notre âme sœur, celle avec qui nous nous engageons pour toute notre vie.


Le temps du célibat peut être l’occasion de réfléchir sérieusement à cette question, pour la simple et bonne raison qu’en fonction de l’option choisie, nous pouvons avoir des démarches bien différentes. Ainsi, de la conception que nous avons de l’âme sœur peut découler deux chemins :

  • La première conception de l’âme sœur la fait préexister à notre choix : Dieu a choisi pour moi la personne avec qui je dois me marier et je dois rechercher un homme parmi les 3,5 milliards d’hommes qui existent sur terre. La tâche peut sembler ardue, voire épineuse, et l’on comprend alors aisément la peur de se tromper ! Arriverai-je un jour à reconnaître la personne « créée pour moi » ? Je dois avouer que ma période de célibat a été quelque peu imprégnée de cette vision, parce que j’avais en tête la vie de Saint Louis et Sainte Zélie Martin, dont on raconte qu’ils se sont reconnus dans leur cœur en se croisant sur un pont.


  • La seconde conception de l’âme sœur ferait advenir l’âme sœur : je dois choisir un homme parmi les 3,5 milliards d’hommes. C’est le choix posé par deux personnes – donc le choix réciproque – qui permet que deux êtres puissent devenir « âmes sœurs ». Dans ce cas, l’action de Dieu paraît peut-être moins évidente, est-ce à dire pourtant que Dieu nous observe de loin ? Est-ce à dire que Dieu n’y est pour rien ? Au contraire, sans doute cette conception permet-elle de restaurer la dignité d’enfant de Dieu que notre Père nous donne, et la liberté qu’Il nous accorde par la même occasion.



Vous l’aurez compris, je défends pour ma part la deuxième conception. Mais alors qui choisir ? Comment savoir avec qui s’engager ? Dieu écrit rarement un écriteau « vas-y, c’est le bon ! » pour ratifier notre choix. En revanche, quand vient le moment du discernement, il peut être bon d’avoir appris à écouter les désirs profonds de son cœur. Pourquoi ? Parce que Dieu est l’auteur de nos plus grands désirs.


1. Avant de savoir qui choisir, attardons-nous d’abord sur la condition première : pour choisir, il faut être capable de poser un choix libre.

Ce choix peut paraître abyssal au vu du nombre de séparations ou de mariages malheureux que nous pouvons parfois connaître dans notre entourage. Pourtant, si nous voulons bien laisser à Dieu la place qui lui revient, nous pouvons placer ce choix dans ses mains : prions pour que notre cœur soit de plus en plus libre. Libre du regard des autres, libre de la dépendance affective, libre des nombreux préjugés qu’il peut parfois plaquer sur les autres. Prions pour que notre cœur soit disponible, ouvert à la rencontre. Et prions pour garder confiance en Dieu car le chemin peut parfois être bien long et douloureux. Prions pour porter sur notre célibat, que certains qualifient de « non choisi », un regard d’espérance : aujourd’hui, le Seigneur me veut féconde et je peux l’être dès aujourd’hui. C’est aujourd’hui que je dois aimer et c’est aujourd’hui que j’apprends à aimer.


Le choix de l’âme sœur doit être posé librement. C’est une des conditions pour qu’il y ait sacrement de mariage. Pas question de forcer les choses. Encourager deux jeunes gens à s’engager n’est bon que si la maturité est au rendez-vous. L’engagement doit être porté par une grande liberté, et donc une grande maturité. Il serait bon de rappeler qu’on n’est pas plus mature parce que l’on se fiance, cela révèle simplement une aspiration profonde qui est belle et noble. Cela fait peut-être la fierté des parents et grands-parents, mais les fiançailles sont le chemin qui permet aussi d’éclairer les futurs époux sur leur maturité personnelle, et parfois il est bon de les rompre quand les fiançailles révèlent un manque de liberté de part ou d’autre.



Le temps du célibat est un temps qui nous est donné pour grandir en liberté. Nous exerçons, par un choix libre et en conscience, notre dignité d’enfant de Dieu. Ainsi, c’est une manière d’honorer Dieu notre Père que de poser un choix libre, de la même manière que quitter ses parents, non par révolte adolescente mais parce que Dieu nous invite à être adulte, est la meilleure manière de les honorer.


Nous sommes par moments enferrés dans une vision toute faite de la vie conjugale. Notre choix est parfois aveuglé par des critères qui mériteraient d’être interrogés. La famille d’origine peut inconsciemment être un frein pour choisir : quelle image ai-je reçu de mon futur époux, avant même de le rencontrer ? Certes, ce serait le gendre idéal, mais existe-t-il seulement ? Mon cœur est-il ouvert à la rencontre d’un homme réel – avec une montagne de défauts – ou se ferme-t-il dès qu’une case n’est pas cochée ?


2. Comment savoir que c’est le bon ? A quoi peut-on reconnaître la volonté de Dieu ?


  • Premier indice : le réel et la réciprocité.


Oui, ça paraît bête, mais il arrive d’aimer sans être aimé en retour. Cette expérience douloureuse nous rapproche de ce que notre Seigneur peut vivre avec nous tous les jours, lorsque nous ne l’aimons pas en retour. N’hésitons donc pas à nous réfugier dans son Cœur très aimant pour obtenir de Lui toutes les grâces de consolation nécessaires. Un amour vrai implique une liberté profonde laissée à l’autre. On peut être patient, mais il faut savoir parfois entendre le « non » de l’autre, même quand ce dernier n’a pas la force de le prononcer explicitement, et faire le deuil pour pouvoir avancer. La réciprocité est sans doute un élément objectif de discernement qui peut nous engager dans un chemin de discernement. C’est pourquoi il est bon de ne pas attendre des années pour interroger cette réciprocité.


Dans certains milieux, il est impensable que la femme fasse le premier pas. Attention ! Ne confondons pas une demande en mariage, dont l’homme peut garder une certaine fierté, avec une demande de clarification ou des signes d’encouragement pour aider l’autre à se déclarer. Parfois les événements sont éclairants et il est bon d’en prendre acte : un homme qui décline plusieurs invitations n’est probablement pas intéressé. Un homme sait très bien se rendre disponible lorsqu’il se pose des questions ! Parfois, il y a ambiguïté et il peut être légitime de mettre le sujet sur la table.


  • Deuxième indice : la paix intérieure et la joie profonde.

Au cours de mon célibat, j’ai pu croire plusieurs fois que j’avais trouvé le bon. Les petits papillons, vous savez ? L’esprit accaparé, vous connaissez ? Puis le doute, la peur, l’angoisse, l’incompréhension. Seigneur, pourquoi ? Je ne comprends pas, j’étais convaincue… que se passe-t-il en moi ? Pourquoi toujours ce même schéma, cet auto-sabotage… ? Il a fallu du temps et beaucoup de travail. Et l’on peut dire que j’ai laissé passer des hommes formidables qui auraient pu faire – qui font ! – d’excellents époux. Il m’est arrivé d’avoir beaucoup de regrets en regardant en arrière. Cet ami, Seigneur, était-ce l’époux que tu voulais pour moi ? Vision biaisée par la première conception, vous l’aurez compris.


Puis est arrivé ce jour où j’ai rencontré celui qui est aujourd’hui mon mari. Pas de coup de foudre. Juste une grande simplicité dans la relation – merci Seigneur, de l’avoir créé deux ans plus jeune que moi, ainsi je ne l’ai pas du tout « calculé » et cela a rendu les débuts beaucoup plus fluides ! Je me disais : Seigneur, donne-moi de rencontrer quelqu’un avec qui ce soit aussi simple qu’avec Amaury ! Cela m’a permis de discerner dans mon cœur pour plusieurs hommes extraordinaires qui frappaient à ma porte à ce moment-là. Les choses n’étaient pas aussi simples et paisibles qu’avec Amaury, je me mettais la pression peut-être... Ces hommes étaient parfaits : leur foi était belle, ils étaient beaux, intelligents, bons, généreux, drôles et ils s’intéressaient à moi (merci Seigneur !). Et pourtant, je n’étais pas en paix. Il y a eu du combat. Un vrai combat. Et je rends grâce à Dieu de m’avoir permis de le mener et de choisir. Renoncer, apprendre à dire non quand le rêve est tout prêt de se réaliser, simplement parce que la paix du cœur n’est pas là, et qu’au fond, il y a ce quelqu’un – Amaury – qui me montre ce que veut dire être vraiment moi-même.


Un prêtre que je rencontrai alors, toute démunie, me compara à une « vraie Schtroumpfette » : il n’avait sans doute pas tort… mais je n’ai aucun regret : il me fallait la paix profonde si je voulais être vraie, quitte à renoncer à tous ces princes et à me retrouver une nouvelle fois seule.


J’étais enfin libre de choisir. Je ne dépendais plus de cette attente qui brûlait mon cœur et me faisait souvent tomber dans la dépendance affective ; j’étais en paix, sûre que le Seigneur, qui m’avait montré la simplicité d’une relation où je pouvais être 100% moi-même, me permettrait de choisir un homme avec qui ce serait aussi simple et facile qu’avec Amaury. Finalement, ce fut encore plus simple que ce que je m’imaginais… huit mois plus tard, Amaury et moi étions devant l’autel pour vivre le sacrement de notre mariage.


Toute histoire est unique, et loin de moi l’idée de vous livrer mon témoignage comme modèle. Peut-être à tout le moins, pourrions-nous retenir :

  • Rien ne sert de forcer, le temps fait son œuvre

  • Confiance et espérance, le Seigneur nous veut libre, il désire notre paix intérieure et notre joie profonde.




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