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Quand la question de la vocation religieuse se pose (2ème partie)

Quelques éléments pour un discernement…

Nous poursuivons notre réflexion commencée dans cet article. Il s’agit de quelques remarques sur ce thème, quelques repères, quelques éclairages peut-être. Cet article est composé à partir de mes lectures, de mon expérience personnelle, de ma formation, d’entretiens avec des religieuses ; il n’a pas argument d’autorité. Pour un enseignement à proprement parler, plus rigoureux, il faudrait se tourner vers une personne plus compétente, un prêtre formé, une maîtresse des novices, un accompagnateur formé par l’Église au service des vocations… J’indique quelques pistes en fin d’article, pour approfondir le sujet.

(Je propose des remarques lues ou entendues ici ou là. Lorsque j’en ai indiqué la source dans mes archives personnelles, je la précise dans cet article.)



Dans une 1ère partie, nous avons abordé les questions :

Qu’est-ce qu’un état de vie ?

Qu’est-ce que la vocation ?

Qu’est-ce que le choix d’un état de vie ?

Qu’est-ce que l’appel à la vie religieuse ?

Dans cette 2ème partie, nous aborderons les questions :

Qu’est-ce qu’aimer ?

En quoi aimer me donne-t-il de grandir en liberté ?

Et Dieu dans tout ça ?

Comment voir les signes de la présence de l’Esprit-Saint ?

Comment Dieu appelle-t-Il ?

Dans une 3ème partie, nous aborderons les questions :

Que faire de nos doutes ?

Comment faire la différence entre le mal-être et les tentations qui nous écartent de la volonté de Dieu ?

Comment ajuster, dans mon discernement, la part de projet personnel, et la part d’abandon à la volonté de Dieu ?


Enfin, dans une 4ème partie, nous proposerons des pistes concrètes :

Concrètement, comment répondre à ce que je pense être un appel à la vie religieuse ?



Qu’est-ce qu’aimer ?


L’appel reçu suscite dans le cœur de la personne un désir jailli d’une expérience intérieure d’amour. C’est l’amour qui pousse la personne à entrer en vie religieuse ; ce n’est pas une ascèse qui serait stérile, un anéantissement de soi. On n’entre pas en vie religieuse « par esprit de sacrifice ». Pour autant, cet amour n’est pas non plus un sentiment affectif sensible. Le sentiment d’amour est une expression de l’amour, souvent passagère. L’amour, lui, ne passe pas. Mais qu’est-ce qu'aimer ?



Aimer, ce n’est pas ressentir de la sympathie pour ; ce n’est pas vibrer au rythme de mes émotions.

J’aime, avec tout mon être, avec mon intelligence et ma volonté.


Aimer, ce n’est pas non plus d’abord vouloir aimer. Avec une telle pensée, le risque serait grand de se tromper dans le discernement : je veux absolument être religieuse, j’ai senti l’appel, je l’ai discerné, et je vais foncer tête baissée parce que je veux répondre à cet appel.


Aimer, c’est avant tout, être attiré par un bien, le connaître, et ensuite choisir d’aimer, en dépit de toutes les vibrations négatives (1). L’amour est le mouvement d’adhésion de ma volonté envers un bien qui m’attire et que je discerne comme bon pour moi : ce qui m’attire en lui est capable de me mettre en route, de me parfaire, de dilater mon âme. Dès lors, je choisis de m’offrir, de répondre à cette attraction, si elle est réciproque. Car cette attraction a besoin d’être réciproque pour que nos deux libertés s’engagent l’une envers l’autre et scellent une alliance qui nous met en marche.


Cela assume le sensible, et c’est bien au-delà de celui-ci. Le sensible va s’effacer. L’amour demeure et grandit ; il est appel et chemin de vie.


La vocation baptismale est toute entière une vocation à l’amour. Dans le cas d’un appel à la vie consacrée, l’état de vie de la personne appelée va témoigner que Dieu seul suffit, qu’Il est la source et la fin de tout amour capable de combler le cœur de l’homme. La personne appelée aura donc à discerner l’institut qui lui permettra le plus de déployer cette relation personnelle radicale avec le Seigneur, qui lui donnera un cœur universel en retour : elle deviendra frère ou sœur de tous.



Note (1) : « choisir d’aimer, en dépit de toutes les vibrations négatives »

Les vibrations négatives – inquiétudes, tristesses passagères, dégoûts… – sont le plus souvent accidentelles, comme des petites pierres sur le chemin de toute vie. Mais elles peuvent aussi être plus conséquentes, « clignotants Warning » qui signalent un danger : l’appel est là, le désir d’y répondre aussi. Mais ce clignotant est-il réellement accidentel, secondaire, ou bien plutôt primordial ? Les vibrations négatives peuvent-elles être assumées par la personne, et assumées dans tel contexte (telle communauté, etc.) ? Ici, l’accompagnement spirituel aidera à discerner. Dans le chemin de discernement, rien ne doit être masqué. Si ces vibrations négatives n’ont pas à être considérées a priori comme un obstacle, elles doivent être verbalisées et mises à la lumière. Sinon, tôt ou tard, elles reviendront en force.




En quoi aimer me donne-t-il de grandir en liberté ?

En choisissant de vivre une vocation à l’amour au sein de tel institut de vie consacrée, je renonce à toute autre forme de vie ; et ce choix permet l’épanouissement de ma liberté. Il est élan de vie.


(Ce paragraphe est inspiré d’un enseignement du père Thierry-Dominique Humbrecht)

Aimer, c’est s’engager, décider d’aimer.

S’engager, c’est prendre une seule direction, choisir. Choisir, c’est préférer. Préférer, c’est aimer plus, et donc éliminer, renoncer à faire flotter tous les possibles dans l’air immobile de nos rêves.

Le jour du mariage par exemple, les conjoints font le choix d’éliminer tout autre conjoint possible.

La personne consacrée fait le choix d’éliminer tous les autres possibles.

S’engager, c’est confier sa liberté, prendre la décision d’aimer toujours, quoiqu’il arrive, de telle sorte que l’autre puisse compter sur ce don.

Le jour d’un mariage, on entend souvent dire que les fiancés choisissent de signer alors un chèque en blanc : ils ne savent ce que sera leur vie conjugale. Ils signent, tout en sachant qu’ils ne savent à quoi s’attendre. Ils savent une chose : ils ont choisi librement d’aimer leur conjoint, toujours, d’un amour indissoluble, qu’il y ait à l’instant T un sentiment amoureux, ou non.

La personne consacrée décide elle aussi de se lancer dans cette vie religieuse par amour, sans savoir de quoi seront faites les années à venir.

S’engager, ce n’est pas détruire notre liberté. C’est peut-être détruire notre indépendance. Mais la liberté, au contraire, ne se dilate qu’en s’engageant. La liberté n’est libre qu’en s’engageant. Ainsi, elle pose des actes. Vivre sa vocation, c’est poser des actes. Ce sont les actes qui rendent libres. Une liberté qui ne s’engage pas se refuse à l’amour. Comme on ne peut vivre sans amour, quelque chose reste inabouti.




Et Dieu dans tout ça ?


Discerner, c’est choisir. Je choisis librement ma route, et Dieu reconfigure le GPS : Il est toujours avec moi.


(Ce paragraphe est inspiré d’un enseignement du père Denis Sonnet.)

Dieu est comme un GPS. C’est moi qui choisis la destination, et le GPS m’aide à y parvenir. Et si, en cours de route, je change de cap, le GPS ne m’abandonne pas, il recalcule la route.

Pour chaque situation nouvelle, Dieu met sur notre route des grâces nouvelles pour goûter dès à présent la joie, en attendant qu’au terme de notre voyage terrestre, nous connaissions en plénitude la joie des noces ; la joie des « noces éternelles », auprès de l’Époux parfait, le seul qui peut combler l’infini de nos désirs.

(Père Denis Sonnet ; Famille Chrétienne n°1617)


Oui, mais Dieu serait-Il déçu de mon choix ?

Non. Dieu nous a créés libres. Il respecte notre liberté. Il n’y a pas de pression à s’imaginer. Ce qui compte, c’est de m’engager en conformité avec ce que je suis et ce que je désire vivre sous le regard de Dieu. Comme nous l’avons vu en 1ère partie, l’état de vie, tout important qu’il soit, n’est qu’un moyen pour vivre de l’amour de Dieu pour moi, pour Lui, pour mes frères. Dieu voit mon intention et me porte sur cette route.



(Ce paragraphe est inspiré des questions/réponses du site https://www.mavocation.org/appele-a-quoi/vie-religieuse-consacres-moine.html )

Il n’y a pas de chemin tout tracé pour moi, un chemin que Dieu aurait décidé pour moi. Si je choisissais alors une route autre, je me tromperais dans la volonté de Dieu ; je serais donc en échec vis-à-vis du chemin que Dieu désirerait pour moi.

Non. Il faut bien distinguer la Providence de Dieu – Dieu pourvoit – de la fatalité ou du destin. Pour le chrétien, les choses ne sont pas écrites d’avance, et je ne suis pas emprisonné dans un destin tracé pour moi.


Le Seigneur a une intention d’amour sur moi. Telle est sa volonté : que je participe pleinement à sa joie d’aimer et d’être aimé. Comment ? En vivant ma vie appuyé sur Lui. En déployant mes talents de telle sorte que ma vie devienne un « Je t’aime » qui soit adressé à Lui, à moi-même, à mes frères et sœurs en humanité, selon l’ordre de la charité.

Il n’y a pas de projet défini sur moi. Le Seigneur me propose un chemin de bonheur, quels que soient les choix que je pose. Il y a toujours un chemin de sainteté devant mes yeux. Je choisis, avec ma liberté, une route ; le Seigneur m’accompagne sur cette route, pas à pas.


Le Seigneur m’appelle d’une façon ou d’une autre, et je suis libre de répondre à cet appel. Si je ne l’ai pas entendu ou mal compris, si je pense m’être trompé, le Seigneur ne m’abandonne pas. Il continue de s’engager auprès de moi, dans sa responsabilité de Père à mon égard ; Il continue de se donner.




Comment voir les signes de la présence de l’Esprit-Saint ?


Je ne serai jamais sûr à 100% de faire le bon choix. Tout choix comporte une incertitude. Il n’y a pas de « bon choix ». Mon choix, c’est celui que je m’engage à vivre, appuyé sur la grâce de Dieu, sur son amour. Mon discernement consiste à choisir le choix qui me semble le meilleur pour moi. Et Dieu s’engage à m’accompagner dans mon choix.


C’est Dieu qui appelle. Comment voir cette action de l’Esprit-Saint ?


L’action de l’Esprit-Saint se révèle par :

- Quelque chose qui de l’intérieur s’impose tout en me laissant libre, ou plus exactement tout en m’enfantant à une liberté nouvelle. Je peux passer outre mais en même temps je sens que « c’est cela » et que si je passe à côté, si je n’ose pas le saut, vertigineux souvent, une dimension en moi ne sera pas comblée.

- La permanence du désir : pas de changement, d’inconstance, de variation dans le choix.

- La paix, la douceur : pas d’inquiétude fondamentale (il peut y avoir des inquiétudes superficielles ; nous le verrons en 3ème partie), pas de trouble profond.

- L’obéissance, la docilité : pas d’opiniâtreté, de bizarrerie. Nous le voyons dans la sous-partie suivante : l’aspect du conseil et de l’accompagnement est essentiel dans le discernement vocationnel. Et l’obéissance – l’écoute – à cet accompagnateur spirituel est un signe de l’action de l’Esprit-Saint. Car ce n’est pas MA volonté étroite, que je cherche, mais celle qui répond à l’appel de Dieu. L’accompagnateur est là comme témoin de l’Esprit-Saint et de son œuvre en ma vie.


Les fruits de l’Esprit-Saint sont donnés dans la Parole de Dieu :

« Le fruit de l’Esprit est : charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (St Paul aux Galates 5, 22)




Comment Dieu appelle-t-Il ?

(Ce 1er paragraphe est tiré d’un enseignement père Thierry-Dominique Humbrecht)

Dieu a voulu que l’Évangile se répandît sur toute la terre, mais à condition qu’il y eût des apôtres pour le prêcher. Dieu respecte les médiations humaines. L’appel passe par le bouche à oreille. Pour qu’il y ait un prêtre, ou une personne consacrée, il faut qu’il y ait une famille chrétienne pour éduquer dans la foi vive. D’autres conditions peuvent s’ajouter à la famille, ou parfois la remplacer (les exemples sont nombreux de personnes consacrées qui n’ont pas été éduquées à la foi dans leur famille) : un prêtre, ou un professeur, un ami, une lecture, un passage dans un monastère, un pèlerinage, etc.

Ces occasions humaines auraient pu ne pas se produire. Rien ne se serait passé. Celui-ci n’est pas allé au Catéchisme, ni à la Messe, il n’avait aucun ami chrétien, rien lu, pas fait de scoutisme ; le Seigneur aurait aimé l’appeler, mais Il n’a pu s’appuyer sur aucun médiateur.

(père Thierry-Dominique Humbrecht)


L’appel passe par des médiations humaines. J’ai ensuite besoin d’être accompagné pour le discerner et le mûrir.


Nous sommes invités à apprendre à ne pas élaborer un projet, seuls, à ne pas décider tout sur un coup de tête rapide. Il faut alors de l’humilité, de la patience ; cultiver le secret, le cœur à cœur avec Jésus ; demander la présence et la disponibilité d’un accompagnateur spirituel : l’Église forme des personnes, consacrées ou non, qui accompagnent pour un discernement vocationnel. Il existe également des services diocésains des vocations dans chaque diocèse. Cette médiation est essentielle et nécessaire sur ce chemin, non pour me dire ce qu’il faut faire, jamais ; mais pour m’aider à le découvrir.


Le discernement à proprement parler demande un suivi personnalisé, une rencontre avec une personne à même d’aider à discerner. Mais quoiqu’il en soit, dans le discernement, la décision finale du choix posé revient à la personne qui pose le choix. De l’extérieur, nous ne pouvons que donner des repères, des éclairages, interroger sur certains points.

Je suis seul à pouvoir répondre à la question de ma vocation. N’attendons pas que quelqu’un d’extérieur nous certifie : « Tu es appelé ici, j’en suis sûr. » Si quelqu’un, quel qu’il soit, nous affirme cela, la sagesse demande de partir en courant. Nul n’est maître de ma liberté personnelle.


La personne se présente librement à l’Église, et l’Église ensuite – au travers d’un évêque, d’un supérieur de communauté religieuse… – témoigne de cet appel.





Pour aller plus loin, liste de livres non exhaustive :

Lettre aux jeunes sur les vocations, Thierry-Dominique Humbrecht

Une liste est proposée ici sur ce thème :

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