top of page

Célibataire, quand la question de la vocation religieuse se pose (1ère partie)


Quelques éléments pour un discernement…


Il y a quelque temps, une lectrice nous a demandé si nous avions déjà publié un article sur le discernement de la vocation de la femme, et peut-être plus précisément de la vocation religieuse.

Voici donc quelques remarques sur ce thème, quelques repères, quelques éclairages peut-être. Cet article est composé à partir de mes lectures, de mon expérience personnelle, de ma formation, d’entretiens avec des religieuses ; il n’a pas argument d’autorité. Pour un enseignement à proprement parler, plus rigoureux, il faudrait se tourner vers une personne plus compétente, un prêtre formé, une maîtresse des novices, un accompagnateur formé par l’Église au service des vocations… J’indique quelques pistes en fin d’article, pour approfondir le sujet.

(Je propose des remarques lues ou entendues ici ou là. Lorsque j’en ai indiqué la source dans mes archives personnelles, je la précise dans cet article.)

Dans cette 1ère partie, nous aborderons les questions :

Qu’est-ce qu’un état de vie ?

Qu’est-ce que la vocation ?

Qu’est-ce que le choix d’un état de vie ?

Qu’est-ce que l’appel à la vie religieuse ?

Dans une 2ème partie, nous aborderons les questions :

Qu’est-ce qu’aimer ?

En quoi aimer me donne-t-il de grandir en liberté ?

Et Dieu dans tout ça ?

Comment voir les signes de la présence de l’Esprit-Saint ?

Comment Dieu appelle-t-Il ?

Dans une 3ème partie, nous aborderons les questions :

Que faire de nos doutes ?

Comment faire la différence entre le mal-être et les tentations qui nous écartent de la volonté de Dieu ?

Comment ajuster, dans mon discernement, la part de projet personnel, et la part d’abandon à la volonté de Dieu ?


Enfin, dans une 4ème partie, nous proposerons des pistes concrètes :

Concrètement, comment répondre à ce que je pense être un appel à la vie religieuse ?


Qu’est-ce qu’un état de vie ?

Avant de commencer, rappelons que nous avons abordé dans cet article une réflexion sur les états de vie. On parle d’états de vie en pensant au mariage ou bien à la vie religieuse. Pour porter du fruit, il faudrait soit se marier, soit entrer en vie religieuse.

Or, nous avons vu (dans cet article précédemment cité) que le mariage ou la vie religieuse ne sont pas des buts en soi. Ils sont de l’ordre du moyen choisi librement.

Le but de tout homme et de toute femme, c’est la sainteté, c’est la vie d’union à Dieu.

Quand je souhaite discerner mon chemin de vie, je cherche à choisir le moyen qui m’est le plus adapté pour répondre à l’appel à la sainteté inhérente à toute vie chrétienne.

L’état de vie choisi librement est un moyen, le moyen que je choisis pour atteindre ce but de l’union à Dieu.

« Être uni à Jésus pour toujours, voilà mon programme de vie », Bienheureux Carlo Acutis

Avec l’état de vie, c’est le "avec qui" qui change, le "où", le "comment"…, mais pas le "quoi". Je choisis la sainteté, la vie unie à Dieu. Et ensuite je choisis les modalités.

Note : dans le cas du célibat non choisi, l’état de vie qui est le mien n’est pas choisi librement. Ce n’est pas pour autant que je suis condamné à subir cet état de fait. Le célibat pour lui-même n’a aucun sens. Ma vie a pourtant un sens unique et précieux, que je suis invité à découvrir, et qui donnera sens jusqu’à ce célibat. C’est ainsi que nous voyons des personnes célibataires épanouies et porteuses d’une fécondité magnifique.

Qu’est-ce que la vocation ?

On parle de « vocation religieuse » pour une personne appelée à vivre la vie religieuse : religieux ou religieuse, moine ou moniale. On parle de « vocation sacerdotale » pour une personne appelée à vivre un ministère ordonné : diacre, prêtre, évêque. Mais avant tout, la vocation de tout chrétien, c’est d’abord la vocation baptismale : être fidèle aux promesses de son Baptême, répondre à l’appel à la sainteté.

Par le sacrement du Baptême, Dieu nous unit à la personne de Jésus. Notre vocation de baptisé, c’est de vivre une union de Jésus à son Père en chaque instant de notre vie. Nous pouvons nourrir cette vie d’union à Dieu-Trinité par la prière personnelle, la prière communautaire, les sacrements, la vie de charité…

Une personne peut brûler d’un feu d’amour pour Dieu et pour les autres, sans pour autant être appelée à vivre la vie religieuse. Qu’elle soit célibataire, mariée, veuve, divorcée, consacrée, toute personne peut vivre d’un amour de charité dans l’état de vie qui est le sien. Inversement, quel que soit l’état de vie choisi, nous pouvons tous être infidèles à notre vocation baptismale, choisir autre chose que l’union à Dieu. Chaque fois, le sacrement de Réconciliation peut alors nous aider à revenir vers cette union à Dieu !

(Le paragraphe suivant est tiré d’un enseignement du père Thierry-Dominique Humbrecht)

Ma vocation, c’est le réel que j’affronte, sans assurance du lendemain.

Ma vocation, c’est l’ensemble des actes que je pose, c’est l’humble déroulement de ma vie. Mon rêve peut être beau, magnifique, merveilleux ; il reste un rêve, quelque chose qui n’existe qu’en imagination. Les actes que je choisis de poser sont ma vie même que je suis en train de vivre.

Il faut de l’intelligence, du courage, de la prudence.

Il n’est jamais trop tard pour aimer, se donner, offrir.

La question de la vocation, c’est : « Seigneur, que veux-Tu faire de ma vie ? Comment veux-Tu me rendre saint ? De quelle façon veux-tu me voir contribuer à la sainteté des autres ? »

(Père Thierry-Dominique Humbrecht)

Peut-être sommes-nous parfois tentés de nous décourager, en l’absence de chemin clair devant nos yeux, surtout en matière de discernement d’une vocation religieuse. Nous suivons le Christ ; c'est pourquoi nous n'avons pas à avoir peur.

« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » (Jean 14,6)

Contemplons alors saint Benoît-Joseph Labre, qui se présenta dans plusieurs monastères de chartreux ; trop jeune, trop fragile, il est refusé chaque fois. A la Trappe de Soligny, il est toujours trop jeune. De la trappe de Sept-Fons, il est renvoyé également : « Dieu vous veut ailleurs ». Il vivra « ailleurs » sa vocation baptismale, dans l’errance et le pèlerinage perpétuel. Son monastère sera la route, son compagnon de prière, Dieu seul. Les prêtres qui le confessent sont émerveillés de sa vie mystique et de son humilité. Il témoigne d’une grande charité. La nouvelle de sa mort est largement annoncée de bouche à oreille, et les miracles se multiplient sur son tombeau.

Qu’est-ce que le choix d’un état de vie ?

Notre vocation est donc fondamentalement de devenir saint comme Jésus, par la grâce de son Esprit Saint qui nous unit à Lui. Et cela, quel que soit notre état de vie. Mais à un moment ou à un autre, il nous faut bien discerner cet état de vie, modalité dans laquelle nous désirons emprunter ce chemin de vie personnel.

Et là, nous sommes devant plusieurs possibles face auxquels il convient de nous déterminer. Cet exercice peut nous apparaître d’autant plus difficile qu’il n’y a pas de voie plus sainte et plus parfaite qu’une autre.

Discerner l’état de vie que je désire choisir, c’est faire un choix entre plusieurs biens, non pas entre le bien et le mal, le mieux et le moins bien. La vie familiale, la vie religieuse, la vie sacerdotale : tout cela est bon.

Il y a un vrai risque à idéaliser ou absolutiser la vie religieuse en elle-même.

Tiraillé entre la vie religieuse que j’imagine l’état de vie le plus pur, le plus libre d’attachements, et la vie conjugale que j’imagine comme entachée de mes attachements personnels à mon conjoint, à mes enfants, je risque de vivre en pensant que seule la vie religieuse assure l’union à Dieu. Cette dialectique est totalement fausse.

Deux écueils sont fréquents : celui de penser que le mariage ne permet pas une vraie union à Dieu, et celui de penser la vie religieuse comme anéantissement de soi.

Est-ce possible de vivre uni à Dieu, marié ?

Oui. Le mariage religieux, sacrement, est signe et réalité de l’union de Dieu avec les hommes en la personne de Jésus. Il n’y a pas de concurrence entre l’amour du mari et l’amour de Dieu. Quand j’aime mon mari, j’aime Dieu.

Suis-je appelé à laisser ma personnalité propre à la porte du monastère dans lequel je me sens appelé ?

Non. Vivre la vie religieuse, ce n’est pas se fondre dans un moule, s’encastrer dans un moule, s’annihiler. Vivre la vie religieuse, c’est vivre libre dans un ensemble de riches diversités, apporter ses richesses, faire son trou, prendre place, s’offrir tel qu’on est, et vivre là où l’on est le sacrement du Baptême. Dieu ne demande pas une ascèse stérile.

Je choisis entre plusieurs biens. Et je choisis entre plusieurs biens, pour moi.

Qu’est-ce qui est bien pour moi, pour Dieu, pour les autres ? Il n’y a pas de division, d’opposition.

Je suis invité à prendre en compte mes aspirations personnelles. Pour autant, la personne consacrée n’est pas un animateur social et culturel, ou un agriculteur. Le moine n’entre pas au monastère pour mener une vie d’agriculteur qui l’a toujours attiré. Ou pour enseigner, soigner, etc., sous prétexte qu’il a de réelles aptitudes en matière d’enseignement, etc.

Ce n’est pas pour telle activité que l’on donne sa vie, même par amour de ses frères en humanité. On peut épanouir ses dons d’agriculteur ailleurs qu’au monastère. La vie religieuse répond à un appel ; ce n’est pas un projet professionnel.

Dieu veut me voir heureux ; Dieu désire que je sois heureux en arrivant au Ciel, heureux d’avoir vécu la vie qu’il m’aura été donné de vivre. Dieu désire que je donne du fruit, beaucoup de fruit.

« Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire. (…) C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit et deveniez mes disciples. » (Jean 15, 5-8)

A la fin de ma vie, lorsque je rencontrerai mon Seigneur Dieu, serai-je heureux d’ouvrir mes mains et de montrer les talents que j’ai reçus et fait fructifier ?

Au Ciel, dans l’éternité, Dieu me demandera : « Qu’as-tu fait de la grâce baptismale que tu as reçue ? » Lorsque j’ouvrirai mes mains pour montrer ma vie, me dira-t-Il :

«C’est bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, entre dans la joie de ton Maître » (Matthieu 25, 21)

Choisir, c’est renoncer. Renoncer à tous les autres choix possibles. Choisir un bien, et renoncer à tous les autres biens possibles.

Qu’est-ce que l’appel à la vie religieuse ?

La vie religieuse est la réponse libre à un appel qui va s’incarner dans tel ou tel Institut de vie consacrée.

L’appel : (ce paragraphe est tiré d’un enseignement du père Thierry-Dominique Humbrecht)

Pour mieux comprendre l’appel des personnes consacrées ou ordonnées, il faut bien comprendre ce qu’est le mariage.

Tout le monde a vocation au mariage. Le mariage est une réalité naturelle. Tout être humain est fait pour fonder une famille. Dieu a mis dans le cœur de chaque homme et de chaque femme le désir du lien conjugal, comme un signe avant-coureur du sacrement chrétien, et comme une icône de Son Amour.

Cette vocation est humaine. Elle ne demande qu’à devenir chrétienne, avec le sacrement.

Le mariage n’est pas un appel. Le mariage chrétien est une vocation, c’est-à-dire un acte que je pose dans le déroulement de ma vie, mais pas un appel. Le mariage, c’est une vocation universelle. Quand il devient mon mariage, cette vocation inscrite dans tout être humain devient ma vocation. Je reçois alors une grâce de Dieu, qui me donne le désir de vivre un mariage chrétien. Rien n’est écrit. C’est moi qui écris. En me mariant, je m’engage, je prends ma responsabilité. La Providence compte sur ma réflexion pour ensuite s’exercer. Je me marie, Dieu me donne la grâce nécessaire, Dieu s’engage avec nous.

Le mariage est une vocation inscrite en tous. Cependant, Dieu en appelle certains à se consacrer à Lui seul. Il leur demande de renoncer au mariage pour se donner à Lui. Les personnes mariées ne renoncent pas à la vie consacrée ; cette vie consacrée n’est pas un désir naturel inscrit en tous.

Le consacré donne toute sa personne à Dieu et renonce à cette vocation au mariage qui eût été la sienne. Il laisse une place vide, celle de l’épouse (x) qu’il aurait eu(e), celle des enfants qu’il n’aura pas.

Pour suivre le Christ avec ces moyens-là, il faut un appel. Sinon, personne ne lâcherait tout pour un Dieu qu’il continue à ne pas voir ni sentir. Les consacrés renoncent au mariage pour vivre cette exclusivité, et devenir ainsi les signes vivants d’un Dieu qui nous conduit vers autre chose que des biens terrestres.

(Père Thierry-Dominique Humbrecht)

Cet appel suscite dans le cœur de la personne un désir qui lui donne de vivre une vocation dans l’amour. Ce désir n’est que très rarement sensible. C’est peut-être davantage une conviction intime à vivre ma vie là, et non pas ailleurs ; quelque chose qui s’impose. Cet appel se concrétise dans une réalité. Il n’est pas un désir désincarné. Je ne suis pas appelée à être religieuse, épouse du Christ. Je suis appelée à être religieuse au sein de telle ou telle communauté. Ce qui va m’attirer dans telle ou telle communauté peut être très divers. Pour que cela fonde une vocation authentique, il convient que ce soit l’adéquation entre les aspirations de mon âme et la règle de vie de l’Institut. Le Seigneur appelle la personne là où elle pourra le plus grandir dans l’amour de Dieu et de ses frères et sœurs en humanité, en commençant par les membres de l’Institut de vie consacrée.

Pour aller plus loin, liste de livres non exhaustive :

Lettre aux jeunes sur les vocations, Thierry-Dominique Humbrecht

Une liste est proposée ici sur ce thème :

en naviguant sur le web :



2 Comments


Marie D
Marie D
Nov 09, 2020

Merci pour ce commentaire si encourageant !

Like

Anne-Sophie
Nov 06, 2020

Merci pour ce bel article ! Cela permet de poser les bases, de faire tomber certaines fausses idées, et aide à aborder la question avec sérénité. J'ai vraiment hâte de lire la suite !!

Like
bottom of page