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Photo du rédacteurMarie D

Avoir la foi empêche-t-il de souffrir ?


« Toi, tu vis de foi ; tu offres tes épreuves. Alors ça va, tu ne souffres pas. »

« Toi, tu es croyant. Donc ça va, tu es protégé par le Ciel. Tu ne souffres pas. »

« Toi, tu as la foi. Ben alors, pourquoi pleures-tu sur tes soucis ? Ce n’est pas cohérent ! Allez, remue-toi ! Sèche tes larmes ! Ne te laisse pas aller ! »


Oui, mais voilà : la foi est-elle vraiment cette baguette magique qui transforme la réalité au point de supprimer la souffrance humaine ? Avoir la foi interdit-il de pleurer ?




Qu’est-ce que la foi ?

(en deux mots, donc de manière simplifiée…)


Nous l'avons vu dans cet article : devant le mystère de la maternité qui s’offre à elle – devenir la maman de Dieu ! –, alors même qu’elle ne connaissait point d'homme, Marie n’a pas compris tout d’un seul coup. Elle a perçu que quelque chose se faisait. Et elle a dit "Fiat", "Oui". Marie y a mis sa foi.


Dans la foi – vertu théologale –, nous touchons quelque chose de Dieu. C’est vertigineux, car notre intelligence se heurte à la lumière de Dieu, qui l’aveugle.

Dans la foi, je ne comprends pas tout ; je dis "oui" quand même, dans l’obscurité, la nuit. Car je fais confiance au Seigneur qui m’aime.



Et dans notre quotidien ?


Devant les épreuves douloureuses de la vie – la perte d’un bébé en cours de grossesse, la mort d’un enfant, la maladie, l’épreuve de la stérilité dans le couple, le célibat non choisi… – souvent, l’intelligence a beau chercher un sens, elle se heurte à quelque chose qui la dépasse.


Plusieurs « gestions de crise » s’offrent alors à nous !


1. Je cherche indéfiniment à comprendre : pourquoi ? Pourquoi cette épreuve pour moi ?

Ce questionnement, bien souvent stérile, m’enferme dans une prison sans fenêtre.

2. Je refuse : non, pas ça, pas pour moi.

Je me blinde et, coupé de mes émotions, je m’invente un monde où je ne vis pas ce qu’il m’est donné de vivre.

3. J'abdique (au niveau de mon intelligence) : ok. Je ne comprends pas, mais c’est ça, là, pour moi. Et maintenant, je fais quoi ? Comment traverser cette épreuve ?

J’accueille la réalité et je choisis de chercher les moyens de vivre ce qu’il m’est donné de vivre. Je passe du « Pourquoi ? » souvent stérile, au « Comment ? » qui va me faire avancer.




Et Dieu, dans tout ça ?


Vivre l’épreuve dans la foi, c’est accueillir l’épreuve, mettre des mots dessus, la reconnaître, pour pouvoir l’apprivoiser, vivre avec ; se laisser déranger dans nos projets, accueillir l’imprévu ; accueillir ensuite la présence de Dieu.

Dans la foi, je ne comprends pas tout, je dis "oui" dans l’obscurité, la nuit.
Je m'offre à la présence de Dieu ; je dis "Oui" à Dieu, pour vivre cette épreuve avec Lui. Car je fais confiance au Seigneur qui m’aime. Il est là, Il est présent au cœur-même de mon épreuve. Je peux me rendre présent et vivre mon épreuve avec Lui.

Avoir la foi, au cœur de l’épreuve, c’est vivre mon épreuve, avec Dieu, et non plus tout seul.



La grâce de Dieu ne détruit pas la nature


Une erreur courante consiste à penser que plus on s’offre à Dieu, plus on serait absorbé. Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi : il n’y aurait plus qu’une personne, Jésus.

Non : Il reste toujours autant de personnes différentes ; il n’y a pas de fusion avec Dieu.


C’est comme un feu de bois : je suis le bois et je brûle dans le feu de Dieu. Mais je ne deviens pas du feu. Je reste du combustible.


La grâce de Dieu ne détruit pas la nature. Une union se fait. Le Christ vit en moi : Il se saisit de tout pour le transfigurer. Mais je reste qui je suis, avec mes émotions, mes souffrances.


Une maman qui perd un bébé en cours de grossesse peut à la fois dire son "Oui" à Dieu, dans l’obscurité, l’incompréhension, la confiance en Dieu, et pleurer de souffrance devant ce petit bébé qu’elle ne verra pas. Elle choisit alors de vivre sa souffrance avec Dieu, en sa présence. Un couple confronté à l’épreuve de la stérilité peut dire son "Oui" à Dieu, dans l’incompréhension, la confiance en Dieu-Père aimant, et pleurer de souffrance au cœur de cette épreuve.


Il nous est juste demandé d’être ouverts. Ouverts à la foi. Avec ce que nous sommes. Et Dieu vient transfigurer nos vies par sa présence aimante et consolante.



Les saints sont passés avant nous…


Approchons ce mystère avec Chiara et Enrico Petrillo : Chiara, née en 1984 et décédée en 2012, est reconnue « Servante de Dieu » par l’Église catholique qui a ouvert son procès en béatification en 2017.


Nous avons tous des projets personnels bousculés. Chiara et Enrico Petrillo témoignent de cette attitude d’abandon aux circonstances de la vie, d’abandon à Dieu.




Chiara et Enrico Petrillo, modèles sur ce chemin de foi au cœur de la souffrance



Après des fiançailles marquées par plusieurs ruptures et questionnements, Enrico et Chiara se marient le 21 septembre 2008. Très vite, Chiara se découvre enceinte.


Chiara et Enrico ont un grand amour de la Vierge Marie : chaque matin, ils renouvellent leur consécration à Marie. Rapidement, ils partent en pèlerinage confier leur enfant à la Sainte Vierge.


Lors d’une échographie, les médecins annoncent à Chiara que son bébé est atteint d’une anencéphalie : privée de boîte crânienne, la petite fille ne pourra pas vivre. Chiara est bouleversée.

« Je ne pouvais pas prétendre tout comprendre tout de suite : le Seigneur avait un plan et je n’arrivais pas à comprendre. »

(Témoignage de Chiara Petrillo, cité dans Nous sommes nés et ne mourrons jamais plus, de Cristiana Paccini et Simone Trosi, page 76)



Avant de retrouver son mari absent et de lui apprendre la nouvelle, Chiara passe toute la nuit dans l’angoisse et pleure beaucoup. Elle crie alors vers Dieu. Une image de la Vierge Marie lui procure consolation, paix et joie. Comme si Dieu avait entendu sa souffrance et y répondait avec tendresse.


Quand Chiara annonce à son mari que l’enfant ne pourra vivre, ils pleurent beaucoup ensemble. Enrico prononce ces mots : « Ne t’inquiète pas. C’est notre fille : nous l’accompagnerons jusqu’où nous pourrons aller. » (Ibid. p 79)

Pour Chiara, c’est un immense soulagement. Pour elle, c’était une évidence de garder cet enfant, de refuser l’avortement proposé par le corps médical. Elle comprend là que son mari accepte de porter cette croix avec elle. « Depuis ce jour-là, la grâce a été de nous unir encore davantage. » (Ibid., p 80)


Leur fille s’appellera Maria Grazia Letizia. « Elle a ouvert nos cœurs, raconte Enrico. La porte s’est ouverte et la grâce est entrée, le vrai amour, le vrai sens de la vie, l’éternité. » (Ibid., p 79)


Après un parcours éprouvant marqué par la pression du corps médical pour qu’elle avorte, Chiara met au monde sa petite fille, sans complication – une grâce qu’elle avait demandée au Seigneur, comme celle que leur petite fille naisse vivante. Enrico prend sa petite fille dans ses bras. Un prêtre la baptise. Chiara est touchée de ce cadeau du Seigneur.


Chiara et Enrico entourent de tous leurs soins cette petite fille qui leur a été confiée pour si peu de temps. Quarante minutes après sa naissance, Maria s’éteint. Elle naît au Ciel. Pour Chiara, cette demi-heure avec son enfant restera à jamais gravée dans son cœur : « J’ai compris que nous étions liées pour la vie. (…) Le jour de la naissance de Maria restera un des plus beaux souvenirs de ma vie. » (Ibid., p 99)


Après la messe des funérailles, Enrico distribue une image de la Vierge, et un message : « Nous sommes nés pour l’éternité, pour ne mourir jamais plus… » (Ibid., p 104)

Ce jour-là comme tous ceux qui suivent, Chiara et Enrico se surprennent eux-mêmes à être heureux, habités d’une mystérieuse joie.


Cinq mois plus tard, Chiara est de nouveau enceinte. Lors d’une échographie, les médecins annoncent à Chiara et Enrico que l’enfant est privé de jambes. Si Chiara et Enrico sont prêts à accueillir leur fils Davide Giovanni, ils ne peuvent s’empêcher de crier vers Dieu : « Où nous conduis-Tu ? » (Ibid., p 117)


Ils acceptent cet enfant comme un don de Dieu, sans savoir où cela les mènera. Dire oui à ce qui nous est demandé ici et maintenant, sans se laisser submerger par la peur du lendemain : c’est ce qui conduit leurs pas.


En poussant plus loin les examens, Chiara et Enrico apprennent que Davide est atteint d’un syndrome extrêmement rare, avec de multiples malformations, et qu’il ne pourra pas survivre non plus. Chiara ne comprend pas. Elle accepte pourtant cette nouvelle ; malgré la douleur et l’incompréhension, elle garde confiance en Dieu.


Enrico et Chiara restent dans la paix, autant qu’il est possible, et ne se replient pas du tout sur eux-mêmes. Ceux qui viennent leur rendre visite repartent avec au cœur le sourire lumineux de Chiara.


Davide naît un petit matin. On le remet à sa mère qui le prend dans ses bras. Il est baptisé. Moins de quarante minutes après sa naissance, Davide rejoint sa sœur au Ciel. Son beau visage remplit de joie ses parents. Ils ressortent de la clinique emplis d’amour pour ces deux petits qu’ils ont accompagnés jusqu’au bout de leur très courte mais très dense vie sur terre. « Grâce à eux, témoignera Enrico, nous avons découvert qu’il n’y a pas de réelle différence entre une vie qui dure 30 minutes et une vie qui dure 100 ans. » (Interview par Luc Adrian, Famille chrétienne n° 1808, septembre 2012)



Un médecin raconte ses impressions lors des funérailles, deux jours plus tard : « L’atmosphère était très belle, priante, avec de la musique. Je ne comprenais pas ce qui se passait. A la fin de la cérémonie, les parents ont porté le petit cercueil blanc en procession vers la sortie. Enrico s’est couvert le visage pour cacher ses larmes. Alors j’ai compris que la foi n’enlevait pas leur douleur de parents, une douleur profonde de laisser leur enfant partir, mais j’ai eu l’intuition que la consolation dont ils faisaient preuve ne venait pas des hommes : c’est le Seigneur qui la leur donnait. » (Chiara Corbella, conférence/témoignage, Dr. Angelo Carfi et frère Vito d’Amato, 22 juin 2019)


Chiara et Enrico distribuent une image de leur fils avec ce mot : « (…) L’important dans la vie n’est pas de faire quelque chose, mais de naître et de se laisser aimer. Le but est de découvrir que nous sommes des enfants aimés. C’est ainsi que nous trouverons la paix. » (Cristiana Paccini et Simone Trosi, op. cit., p 141)



Il ne nous est pas demandé d’être irréprochables. Il nous est demandé d’être ouverts. Ouverts à ce qui nous dépasse. Ouverts à ce qui dérange nos projets. Ouverts à la foi, pour être trouvés prêts à dire notre "Oui" dans la nuit, sans comprendre tout ce qui arrive.
Et cela ne supprime pas notre souffrance, nos émotions. Nous avons le droit de pleurer, de crier vers Dieu notre prière, notre plainte, notre révolte même ! Mais dans la foi, nous nous mettons en présence de Dieu pour vivre cette épreuve avec Lui.


Vous trouverez une courte vie de Chiara Corbella-Petrillo dans Couples de feu et de foi, de Raphaëlle Simon (Éditions de l’Emmanuel, 2020)

Merci du fond du cœur à Paloma pour ces si belles illustrations ! N'hésitez pas à consulter sa page instagram : palomadessine

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2 commentaires


Marie D
Marie D
12 janv. 2021

Merci pour ce partage enrichissant ! Je ne connais pas ce poème mais les vers de Sainte Thérèse sont souvent très beaux !

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Aurore
Aurore
12 janv. 2021

Ceci m'a fait penser au poème écrit par Ste Thérèse de l'Enfant Jésus pour ses frères et sœurs décédés dans leur enfance, ces Innocents avaient eu la chance de rejoindre le ciel plus vite que nous "O boutons parfumés ! moissonnés dès l’aurore par le Seigneur".

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