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Saintes de l’Ancien Testament : des femmes pour aujourd’hui 2. Sarra

Intelligente, courageuse, très belle, aimée de ses parents. On aimerait te ressembler, Sarra ! Certes tu es en exil avec ta famille mais est-ce si important ? Ah oui, autre détail aussi, tu as été fiancée sept fois, et sept fois tu t’es retrouvée seule sur le pas de la chambre nuptiale, tes promis morts avant de consommer votre mariage. Ah oui… je n’ai plus tellement envie de te ressembler.

Connaître l’espoir, le désir, l’attente. Et puis rien, plus rien qu’une immense peine et un retour à la case départ. Sept fois de suite. Ce n’est plus un hasard, c’est une malédiction. Plus exactement c’est démoniaque puisque c’est Asmodée, un démon, qui tue tes époux.

Tous les mois, ton corps te le dit, tu es l’espérance incarnée, tu es vectrice de vie. Tu continues à y croire mais probablement dans la peur. Chaque deuil te blesse un peu plus, t’affaiblit, te fais douter de cette capacité à aimer, à être aimée, à donner la vie.

Tes parents, Ragouël et Edna, devaient être fiers de toi. De ton intelligence, de ta beauté, de ta persévérance. Mais leur nom est sali par cette malédiction et leur descendance risque d’être tarie. Leur honneur est en jeu et plus encore une angoisse les travaille : que vas-tu devenir s’il est impossible de te marier ? Ton père mort, sans époux, quelle sera ta place, ton rôle et ta subsistance ?


Au début, tu tiens bon, ton courage n’est pas légendaire. Tu continues à y croire, à recevoir les prétendants. Ensuite probablement tu trembles devant ton avenir incertain. Il m’en faudrait moins pour craquer, fuir mes parents que la situation humilie tant, me faire oublier à tout jamais. Il m’en faudrait moins pour douter de la vie, me mettre à craindre l’amour, renoncer à une vie de couple, à la sexualité. Faut-il renoncer au mariage ? Comment survivre alors lorsque ton père sera mort ?


Et puis un jour, une femme t’insulte. Elle insinue le doute, l’atroce doute : si tu étais responsable ? Si tu étais coupable ? Plus rien n’allait dans ta vie, ton avenir était sombre mais tu gardais confiance en toi. Te voici anéantie : tu doutes de toi.

Alors tu craques, tu penses au suicide, tu y penses très sérieusement même. Comme de nombreuses désespérées, bien plus qu’on ne croit, qui ne l’avoueront probablement jamais. Tu montes dans la chambre la plus haute de la maison. Sans y penser peut-être, symboliquement, tu veux t’approcher du ciel alors que tu es au plus bas de la misère humaine. Tu doutes de toi, mais pas de Dieu. Il existe, il t’écoute. Tu ne penses pas qu’il puisse grand-chose pour toi puisque soudainement tu te crois responsable. Mais il comprendra peut-être ta douleur et l’abrègera.

Alors tu n’accroches pas la corde que tu as montée pour te condamner. Tu vas laisser Dieu régler ça. Il t’écoutera, te comprendra, te donnera la mort. Ainsi tes parents seront tristes mais pas déshonorés. Ils n’auront pas à porter le poids de ton suicide, seulement la tristesse de ta mort.

« Mieux vaut pour moi ne pas me pendre, mais supplier le Seigneur de me faire mourir, pour que je n’aie plus à entendre de telles insultes à longueur de vie. » Puisque tu renonces à te tuer toi-même tu te tournes vers le Maitre de la Vie. Raisonnement on ne peut plus logique ; Tobit fit de même le jour même, quelques versets plus tôt.

« Béni soit ton nom pour les siècles ». Tu m’épates, Sarra ! Quand ma prière a goût de colère ou de désespoir, j’en oublie bien souvent la juste louange que l’on doit à Dieu, indépendamment de notre état d’esprit !

« Parle : que je disparaisse de la terre et n’aie plus à entendre d’insultes. » Clair et net, le Bon Dieu ne peut pas ne pas te comprendre.

« Et s’il ne te semble pas bon de me tuer, Seigneur, entends au moins l’insulte qui m’est faite. » Pas idiote, Sarra. D’abord tu sais bien que la volonté de Dieu n’est pas la volonté humaine. Peut-être sens-tu aussi que c’est un Dieu miséricordieux qui refuse de te faire mourir pour une présumée faute. Peut-être même crois-tu qu’il est tout-puissant, capable de punir cette femme qui te fait douter et ce démon qui t’a mis dans un tel pétrin.


Que fait Dieu ? Il t’envoie un nouveau prétendant ! Il te donne ta chance à nouveau ! Il sait que tu n’es pas fautive. Il t’envoie un prétendant, accompagné d’un ange pour te délivrer de ton démon. Pas un prétendant idéal, sans faiblesse. Il a peur et l’avoue sans détour. Mais un type bien, loyal et serviable envers son père pour qui il est en ce moment en mission. Un type qui honore ses père et mère avant tout. Un type attentif aux conseils de son ange gardien. Un type pieux enfin.

On ne parle pas de ta réaction lorsque ce prétendant arrive. Avant même de te connaître il est déjà très amoureux de toi. « En apprenant de Raphaël qu’il avait une parente dans son clan, il s’éprit d’elle passionnément et il lui fut attaché de tout son cœur. » Toi tu as dû l’aimer assez vite puisque tu es capable de te détourner un instant de ton malheur pour te pencher sur le sien. Avec tes parents tu pleures de tout cœur sur le handicap de Tobith qui perd la vue.

Tu t’associes à sa prière, à nouveau tu te confies à ce Dieu qui n’a pas voulu reprendre ta vie. Et cette fois, avec ton mari, tu es capable de vivre pleinement l’union en disant « nous » devant le créateur.


On peut croire que Raphaël est le héros de l’histoire, celui qui guérit, qui conseille, qui combat le démon. Ou Tobith l’homme juste et fidèle. Ou Tobie, fils dévoué et obéissant capable de délivrer la femme qu’il aime, comme un preux chevalier son aimée. Mais toi aussi Sarra, es véritable héroïne et tu peux m’aider au quotidien :

Quand je pleure sur moi-même, donne-moi un reste de compassion pour ne pas me détourner des malheurs d’autrui.

Quand je vis des drames amoureux, ou qu’il me semble en vivre, intercède pour moi. Que l’ange de la guérison vienne panser mes plaies.

Quand les mystères de l’amour et de la mort s’entremêlent, penche-toi sur ma douleur. Console cette fiancée dont l’aimé vient de mourir, redonne l’espérance à cette jeune veuve qui ne croit plus à l’amour.

Quand les pensées noires m’assaillent, que je ne vois que la mort comme solution, quand je pense mettre un terme à ma vie, rappelle-moi de me tourner vers le Seigneur.

Quand tout semble aller mal pour moi, aide-moi à rendre grâce à Dieu tout de même et à le louer.

Quand ma vie de couple devient dure, que le démon nous divise, que mes pensées, mes paroles ou mes actes nous séparent, font vivre des petites morts à notre amour, redis-moi que ma prière personnelle et notre prière de couple sont la première marche pour connaître à nouveau la paix à deux.


La nuit de noces de Tobie et de Sarra, Jan Steen, huile sur toile

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