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Quel parfum répandras-tu ?

Cruche d'huile ou de parfum

Ce Lundi saint, comme tous les lundis saints, nous entendions le récit de l’onction de Béthanie. Nous observons Marie, la sœur de Lazare, ressuscité par Jésus peu de temps auparavant, oindre la tête et le corps du Christ, avec un nard de grand prix.


Il faut imaginer : tous les convives attablés, Jésus bien sûr, et les Douze. Pierre et André, les pêcheurs de Galilée, Jacques et Jean, les fils du Tonnerre. Simon le Zélote, Jude, Judas dont le cœur se trouble déjà. Jacques le Mineur, Thomas qui serait bientôt incrédule. Philippe, Barthélémy, et Matthieu bien sûr, l’ancien collecteur d’impôts, qui devait tout à fait savoir combien coûtait un parfum si précieux. Mais avec Jésus, il avait appris à ne plus compter.

Il y avait Lazare aussi, fraîchement sorti du tombeau, et sa sœur Marthe, probablement un peu moins occupée qu’auparavant aux multiples tâches du foyer. 

Il y avait sûrement d’autres femmes : Marie, la sainte mère de Jésus, veillant à ce que rien ne manque. Peut-être aussi la mère de Jacques, ou encore Salomé. 

Toute cette joyeuse bande avait voyagé ensemble à travers les routes de Galilée et de Judée, s’était usé les pieds sur les pierres du chemin, avait connu l’émerveillement des guérisons, la lumière des paroles du Verbe, leur mystère aussi.


Tous devaient fêter Lazare, de retour du séjour des morts. Tous devaient aussi palper la tension alors que Jésus avait si longtemps annoncé sa Passion, et que la veille il était entré en fête à Jérusalem, monté sur un ânon. Serait-ce bientôt ? Révélerait-il sa gloire ? Comment ? 



Vitrail de la cène du Seigneur

Et voilà qu’au milieu de cette ambiance mi-joyeuse mi-inquiète, Marie de Béthanie entre, les bras chargés d’un vase qui semble lourd. Peut-être les conversations se sont-elles arrêtées un instant, ou peut-être que personne n’a fait attention à l’arrivée de la petite Marie. Mais quelle surprise cela a-t-il dû être de la voir soudain, sûrement d’un geste plein d’amour et de délicatesse, commencer à verser le parfum sur la tête et sur les pieds de Jésus. Comme cela devait paraître étrange, de soudain vouloir embaumer Jésus comme s’il était mort. 


Il y a dix ans maintenant, je vivais Pâques dans un monastère des sœurs de Bethléem. Du vendredi soir jusqu’à la nuit pascale, le tombeau est symbolisé par un grand tissu de soie peinte, posé au milieu du chœur et représentant le Seigneur étendu dans le silence du tombeau. Tout au long du Samedi Saint, consacrées et laïcs se relaient auprès de cette icône pour l’embrasser et y déposer des fleurs, des baisers, et de la myrrhe. 


Qu’elles sont belles ces religieuses qui consolent le Christ en ce jour de ténèbres ! Avec Marie de Béthanie, elles offrent chaque jour leur vie gratuitement, nard ô combien précieux. 


Et nous ? Quelle est cette offrande gratuite que nous déposerons humblement samedi, au pied du tombeau ? Quelle souffrance cachée, quelle croix discrète ou écrasante, lui apporterons-nous dans nos bras fatigués par les veilles du Jeudi et du Vendredi ? 


L’accablante fatigue de celles qui ont des enfants, la lancinante douleur de celles qui n’en ont pas, l’éreintante solitude de celles qui espèrent la rencontre qui bouleversera leur vie… et tant d’autres souffrances, moins évidentes. 

Quel sera le parfum de grand prix que nous répandrons gratuitement ? Un sourire au milieu de nos pleurs, des fleurs fraîches pour décorer cette maison trop vide, une histoire de Pâque, patiemment racontée à des enfants tapageurs ? 



Clocher d'église au matin dans la brume


Dans quelques jours, à l'aube du dimanche, d’autres femmes se rendront au tombeau, pour y embaumer le Christ, et seront témoins de la Résurrection. 


Accepterons-nous, comme toutes ces femmes, de répandre nos parfums gratuitement, sans compter, regardant seulement l’amour du Christ qui se donne, pour nous, pour toi, pour moi ? Alors, c’est certain, avec elles, nous goûterons la joie de rencontrer le Ressuscité.

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