Petite note à l’attention de tous ceux qui s’interrogent sur l’utilité des causeries féminines plus communément appelées « débrief. »
« Une femme silencieuse est un don du Seigneur » Si 26,14
Je relis ce verset une deuxième fois. Intérieurement, je me dis à moi-même « Et paf, prends ça dans la figure ! ». Une vraie claque. Je pense à la Vierge Marie. C'est vrai, on ne l’entend pas beaucoup parler dans l’Évangile. Je relis le verset. Il y a comme quelque chose qui bloque en moi. Je dois creuser, implorer l’aide de l’Esprit Saint pour recevoir cette parole de Dieu. Il faut dire que pendant toutes mes années de collège et de lycée, mes bulletins faisaient mention d’une « élève réservée », à qui l’on demandait de « participer davantage ». Le chemin parcouru pour vaincre ma timidité a été long mais je sais qu’aujourd’hui, quand j’arrive à m’exprimer, je vis de cette liberté que le Seigneur me donne. Plus jeune, j’étais plus silencieuse. Étais-je plus vertueuse ?
Je décide de relire les versets précédents. Voilà que le contexte m’éclaire. Je commence à comprendre pourquoi une « femme silencieuse est un don du Seigneur » Si 26,14 :
« J’aimerais mieux habiter avec un lion ou un dragon qu’avec une femme méchante » Si 25,16
« Ne donne pas à l’eau un passage, ni à la femme méchante la liberté de parler » Si 25,25
« [...] c’est crève-cœur et douleur qu’une femme jalouse d’une autre » Si 26,6
Oui, il peut être bon de faire silence, pour éviter de prêter sa langue aux commérages, aux jugements et aux médisances. Les milieux féminins sont, il est vrai, très attaqués en la matière : il est facile d’y être une langue de vipère. Et pour cause, Satan attaque là où la vie peut jaillir : soit il enferme dans un silence qui coupe de la relation, soit il essaye par tout moyen que les paroles de la femme ne portent pas la vie mais la mort.
« Souvent, on glisse sans mauvaise intention ; qui n’a jamais péché en parole ? » Si 19,16
Pour comprendre le combat spirituel qui se joue quand une femme prend la parole, il faut d’abord comprendre la puissance de vie qui peut jaillir du fait même qu’une femme parle.
Observez les femmes, la joie qu’elles peuvent avoir à discuter entre amies. Voyez les heures qu’elles peuvent passer au téléphone, la satisfaction qui est la leur quand elles ont pu partager un moment de qualité avec une amie, la complicité qui les unit quand vous les voyez de loin discuter entre elles : elles parlent, rient, s’interrompent parfois, esquissent aussi un geste de soutien envers l’une ou l’autre. S’il vous venait à l’idée d’entrer dans leur conversation à ce moment-là, elles n’oseraient peut-être pas vous répondre que « oui, vraiment, vous les dérangez ». Sachez néanmoins que souvent le sujet de conversation aura glissé en moins d’un quart de seconde sur la pluie et le beau temps, ou d’autres futilités qu’elles n’ont pas peur de partager. Il n’est pas si facile de s’immiscer dans un « débriefing » féminin, abrégé « débrief. », anglicisme souvent employé de nos jours pour qualifier le compte-rendu oral que font les femmes de leurs états d’âmes.
D’où vient le besoin que ressent une femme de partager à une sœur, une amie, ses pensées ou émotions ?
La tête d’une femme se vide comme un sac à main renversé sur la table : étaler ce qui s’y trouve permet d’y voir plus clair. Après tout, voici la méthode la plus efficace pour retrouver la clé ! Parler, partager ses pensées ou émotions, permet à l’âme féminine de prendre la hauteur nécessaire pour clarifier ses mouvements. C’est souvent en se confiant qu’une femme parvient à demeurer ancrée dans la réalité, connectée à son for intérieur. Les confidences sont pour elle le moyen de mieux saisir ce qui l’habite, ses désirs profonds, et de discerner les mirages de son imagination en redescendant des nuages pour avoir les pieds sur terre et avancer.
En cela la communication féminine n’est pas toujours bien comprise par la gent masculine. Évidemment, l’homme qui ne trouve plus sa clé sait qu’il l’a posée à un endroit logique. Il lui faut simplement faire silence pour retracer intérieurement son parcours du matin et savoir qu’il avait dû la déposer dans le vide-poche de l’entrée le temps de nouer ses lacets. Nul besoin de parler pour trouver la clé. Ainsi, vous le verrez peut-être réparer sa moto sans vous douter qu’il fait bien plus que cela : seul, tout à son affaire, ses idées ne seront que plus claires et bientôt il reviendra du garage en ayant élaboré tout un plan d’action.
Une femme qui débriefe est une femme qui vide son sac pour y voir plus clair. Elle cherchait peut-être la clé, mais elle sera très heureuse de retrouver le rouge à lèvre nuance 221 dont elle avait oublié l’existence, ou de retomber sur ce numéro griffonné qui lui permettra d’obtenir des renseignements importants. Un « débrief. » ne peut se réduire à de simples bavardages, ce sont des cœurs qui s’épanchent. La direction de la discussion n’est pas toujours très claire, plusieurs chemins peuvent s’ouvrir, mais à la fin, il y a une carte, une légende et une échelle. Bref, de quoi mieux s’orienter.
Parler fait avancer une femme sur son chemin de vie, et cela ne plaît pas à celui qui cherche à la faire tomber. Là où la parole peut être porteuse de vie, Satan essaye d’y apporter la mort.
La première erreur d’Eve, ce n’est pas d’avoir mangé le fruit de l’arbre de la connaissance, mais d’être entrée en dialogue avec Satan. Il est important de savoir avec qui l’on parle. Et pour cela il faut savoir dans un premier temps se taire. Pour écouter.
Certaines femmes ne parviennent malheureusement plus à se confier parce qu’elles ont été blessées : confiance trahie, jugements ou moqueries.
« Ne jetez pas vos perles devant les porcs, de peur qu’il ne les piétinent » Mt 7,6
Les femmes qui ont vu leurs perles piétinées peuvent – et c’est compréhensible – s’enfermer dans leur silence. Elles perdent alors le précieux soutien que représente l’oreille attentive qui permettra à la parole d’éclairer leur âme. Il ne s’agit pas ici du silence habité que la Vierge Marie nous invite à vivre pour être à l’écoute de l’Esprit Saint, mais d’un silence qui isole.
Les femmes qui tombent dans ce silence mortifère se disent qu’elles ont parlé trop vite, qu’elles se sont confiées à des personnes qui ne les ont pas respectées. Et c’est sans doute vrai. Parler trop vite, c’est prendre le risque de remettre un trésor dans les mains d’un voleur.
Aussi faut-il d’abord savoir se taire pour parler. Sachons apprécier le silence comme un don du Seigneur qui vient l’habiter de sa présence pour nous aider à discerner ce qu’il est juste d’exprimer et à qui l’on peut le confier.
Une femme ne peut vider son sac que si elle fait confiance aux personnes qui l’entourent. Pas question de laisser là un inconnu qui serait peut-être ravi de lui voler au passage sa carte de crédit. C’est pourquoi, elles sont si précieuses, ces amitiés féminines qui offrent la sécurité nécessaire pour y voir plus clair ! Une sœur, une cousine, une amie à qui l’on peut parler en toute sécurité. Il est bon pour la femme de pouvoir se confier en étant assurée d’être écoutée. Sans avoir peur d’être jugée. Sans avoir peur que ce qu’elle exprime se retrouve étalé sur la place publique.
Pour ne pas jeter mes perles devant les porcs, je dois m’assurer que je ne suis pas dans une porcherie. J’écoute et je peux discerner si les personnes qui m’entourent sont dignes de confiance. Étalent-elles la vie de personnes absentes sans leur consentement ? Leurs paroles sont-elles bienveillantes, encourageantes ? Ou emplies de critiques et de jugements ? Cherchent-elles à contrôler la vie des autres en donnant de multiples conseils ou sont-elles capables, simplement, d’accueillir ce cœur qui s’épanche ? Et moi, comment suis-je capable d’accueillir ce qui m’est confié ?
« De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d’édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l’entendent. Ne contristez pas l’Esprit Saint de Dieu, qui vous a marqué de son sceau pour le jour de la rédemption. » Ep 4,29-30
Le Silence habité par l’Esprit Saint permet d’accueillir une parole avec bienveillance, sans jugement. A l’école de Marie, apprenons à nous mettre à l’écoute. Alors nous recueillerons les confidences comme des perles, pleines de reconnaissance pour la confiance qui nous est faite, pleines d’espérance devant la carte qui se dessine au fur-et-à-mesure que le sac se vide. Le Père connaît le chemin. Ne sortons pas d’un « débrief. » sans avoir déposé, au creux de ses mains, ce qui vient d’être confié, pour qu’Il puisse l’éclairer de sa lumière. Les causeries féminines n’en seront que plus fécondes, et les amitiés plus précieuses.
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