"Que rien ne te trouble, que rien ne t'épouvante, tout passe, Dieu ne change pas, la patience obtient tout ; celui qui possède Dieu ne manque de rien : Dieu seul suffit. Élève ta pensée, monte au ciel, ne t'angoisse de rien, que rien ne te trouble. Suis Jésus Christ d'un grand cœur, et quoi qu'il arrive, que rien ne t'épouvante. Tu vois la gloire du monde? C’est une vaine gloire ; il n'a rien de stable, tout passe. Aspire au céleste, qui dure toujours ; fidèle et riche en promesses, Dieu ne change pas."
Je commence ce message en reprenant les derniers mots de la belle publication du 10 novembre rédigée par Lise : cette magnifique citation de Saint Thérèse d'Avila.
Ces mots me rassurent quand je pense qu'ils sont destinés à Sainte Thérèse d'Avila et prononcés directement de la bouche de Jésus. Je ne sais pas vous, mais moi ça me détend. Je me dis que mes moments de doutes, de questionnements, voire de tristesse ou de colère face à un monde qui ne marche pas comme je le voudrais sont assez normaux si sainte Thérèse elle-même, une des plus grandes saintes et général des amoureuses du Christ, semble les vivre...
En fait, Jésus nous dit d'arrêter de nous regarder le nombril, nos petits problèmes et nous noyer dedans. Il ne nous dit pas de quitter nos problèmes mais de les habiter avec Lui. Il ne fait aucune promesse de résolution pratique. Caramba !
Jésus nous invite à dormir avec Lui dans la barque, au milieu de la tempête. Si je me projette dans la situation, je crains être autant affolé que les apôtres et trouver que Jésus est au mieux inconscient, au pire irresponsable. Ce n'est pas comme ça qu'Il va réussir à changer le monde pourrais-je alors penser... Si je devais dormir dans la braque agitée avec Lui, je me blottirai dans ses bras doux et puissants. Caché en Jésus au milieu de la tempête. Là, je veux bien. Mais cela implique de moi un renoncement ferme et net, à regarder les vagues et entendre les craquements inquiétants du bateau malmené par la puissance des vagues qui ne semblent finalement, quand on connaît la chute du passage de l'Évangile, n'être qu’esbroufe. Dormir dans la barque ne peut se faire, me semble-t-il, que dans la confiance en la présence divine.

C'est précisément sur ce point que la foi chrétienne manifeste qu'elle est un aboutissement de la conscience humaine. Un sommet. Les chrétiens ne veulent pas s'affranchir de leur incarnation inéluctablement associée à la souffrance comme le pratiquent les religions et philosophies asiatiques. Il est appelé à assumer et aimer son incarnation à l'image du Christ. La quantité astronomique de cours de yoga montrent le net recul de la foi chrétienne de notre pays, sans que les concitoyens n'y trouvent plus de paix si j'en crois les baromètres nationaux de l'état de santé mentale.
La foi chrétienne est une foi de relation : nous croyons en un Dieu vivant qui est père et créateur, à la fois tout-puissant et tout-dépendant. Il est relation dans sa Trinité même. Et Jésus en est le chemin qui nous y mène, le chemin de notre divinisation : en Lui nous devenons Présence de Dieu.
Et comment on fait pour être en paix?
C'est bien gentil tout ça parce que personnellement, ma vie n'est pas de tout repos : rien n'est simple et rien n'est prédictible. La seule constante c'est l'inconstance. Le changement est permanent. Ma vie est un déséquilibre instable et je ne vois pas le bout du tunnel.
Ben oui. Et ça ne changera pas. Alors de deux choses l'une : soit je vis comme un animal évolué, modernisé, laborieux, habillé, véhiculé, logé et gouverné, comme une machine ou un automate inconscient, éventuellement assez content de moi, soit je vis comme un vivant, uni à Dieu, conscient que la perspective spirituelle de la vie est supérieure à la perspective matérielle. Maurice Zundel en parle mieux que moi dans "A l'écoute du silence". Il semble néanmoins que la majeure partie des hommes et des femmes semblent vivre de la première option, y compris ceux qui usent les bancs de nos si belles églises. Seulement Jésus est plus que radical avec le grand notable pharisien Nicodème :
Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit.
Les moyens proposés par les pères de l'Église pour renaître de l'Esprit sont assez simples finalement :
Faire silence
Le programme d'une vie. Taire sa pensée. Ce moi intérieur qui gouverne à la place de notre volonté. Il s'agit de taire son égo. La fonction de l'intelligence n'est pas faire pour s'inquiéter de tout, mais pour chercher Dieu. Chercher le sens de sa vie et chercher notre identité profonde enfouie sous le boisseau de bruit intérieur. Pour taire la pensée, la faire revenir dans le présent, qui est silence. Sentir, voir, écouter, toucher. sans pensée, sans interprétation, sans association d'idées.
Contempler et s'émerveiller
Le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu est dans sa création car il y habite. Contempler un paysage nous connecte à quelque chose qui nous dépasse infiniment. Entendre une symphonie emporte notre sensibilité dans des hauteurs inaccessibles. François Cheng en parle très bien dans son livre "de l'âme".
Prier sans cesse
Le silence et la contemplation sont une prière si nous vivons ces instants en nous rendant présents à la présence de Dieu. La prière d'oraison unifie la totalité de notre être corps, âme et esprit, et nous propulse dans une autre dimension parce que l'Esprit de Dieu vient sur nous et nous fait renaître de l'esprit pour reprendre la pensée de Maurice Zundel, et bien avant lui les pères de l’Église. C'est grâce à la rencontre intime avec ce Dieu tout amour que mon âme s'apaise. L'âme étant le siège des fonctions de l'intelligence, de l'amour et de la force selon Jean-Guilhem Xerri.
A bien y réfléchir, raisonnablement, posément, l'amour de Dieu est tel que le reste ne vaut pas grand chose. Je le crois mais peine tant à y consacrer ma vie. Je veux bien y croire, mais de là à le vivre... Au fond la question se pose : y crois-je vraiment ? Je crois que ce dont j'ai encore besoin, c'est d'une nouvelle conversion ou plutôt de vivre dans un état de conversion permanente, c'est-à-dire une attention permanente à mon état de conversion pour m'attacher à Dieu comme le chante Grégory Turpin.
La vie d'un chrétien est paradoxale : il aspire à une vie qu'il a peur de vivre.
Je vis de cette inquiétude de n'avoir pris de rendez-vous quotidien avec Jésus, de ne pas Lui avoir donné de place lors des événements qui jalonnent le fils de ma vie. Force est de constater que je n'y parviens pas. Ou si peu. Car si ma conversion personnelle nourrit profondément mon attachement à la réalité trinitaire depuis plus de vingt ans, je ne suis pas sûr de partager avec Jésus la même définition du bonheur et de la bonté. J'avoue que la sienne me fait un peu peur en fait. Personnellement, je trouve que Dieu ne répond jamais comme je lui ai demandé. Entendons-nous : il répond toujours, mais jamais comme JE l'ai demandé. C'est pénible à la fin. A croire qu'Il le fait exprès et qu'il veut me dire quelque chose par là...
La foi chrétienne n'est pas magique.
C'est une évidence, la foi, les œuvres ou les sacrements n'évitent pas les galères, les difficultés ou les souffrances de la vie terrestre. La foi en Dieu vivant donne accès à un sentiment de complétude de vie et une assurance d'être infiniment aimé. ça, oui ! La promesse de Dieu est promesse de paix. La foi chrétienne donne une perspective de vie d'une dimension absolument incompréhensible pour celui ou celle qui refuse de croire en Jésus : le chrétien, cet amoureux de Jésus, ce chercheur acharné de la Présence de Dieu dans son quotidien ne cherche pas à vivre ou chercher la paix de ce monde, mais à être connecté à Dieu. Le fruit de cette relation, c'est la paix. Le fruit de cette paix, manifestation de la présence du Royaume de Dieu dès aujourd'hui, est que le monde est apaisé. Dans le visible et dans l'invisible. D'ailleurs, quand on croise un saint, il règne toujours autour de lui une grande paix, et cette paix est contagieuse : l'Esprit rayonne à travers lui.
L'état de non-paix est finalement l'état normal d'un être humain en marche. Cette non-paix est comme un déséquilibre qui me contraint à marcher en avant en essayant de mettre mes pas dans ceux de Jésus qui me montre la voie. Le moyen le plus sûr, c'est l'abandon. Cette folie douce. La demande de Jésus est humainement folle. Faut-il y renoncer ou méditer ce qui nous fait intérieurement dire : "Jésus est bien gentil avec sa radicalité ! Il doit certainement s'adresser à des âmes choisies, exceptionnelles et déjà saintes, qui n'ont aucun lien avec ce qu'est ma vie.

Jésus n'y comprend vraiment rien !
Il est déconnecté de mon monde !". J'entends tellement dire autour de moi, et je l'entends souvent pour moi-même. "Fais attention" pense d'abord à sécuriser ton capital et tes revenus avant de prendre des chemins professionnels hasardeux"... Désolé mais avec ce genre de raisonnement, aucun apôtre n'aurait suivi Jésus. Les lectures de cette semaine nous invitent à agir comme Ananias, Azarias et Misaël qui chantaient les louanges de Dieu alors qu'ils se tenaient dans la fournaise de Nabuchodonosor. On peut dire qu'ils n'avaient plus rien à perdre... Il en sont pourtant sortis vivants. Notre monde, comme le dit si bien Eldredge, est un "carnaval de contrefaçons". Vanité d'une grosse bagnole, vanité de la taille des cadeaux de noël, vanité d'un bel appart, vanité des habits neufs, vanité, vanité, vanité, tout est vanité... Et ben il y a encore du taf avant la ligne d'arrivée... j'ai besoin d'un peu de temps... Priez s'il vous plaît pour que le Seigneur me fasse docile à son appel.
Je me souviens avoir prononcé ces mots à mon papa, alors qu'il se réveillait du coma après être passé sous un tracteur en parlant de sa joie d'avoir encore à vivre un bout de temps sur cette belle planète : "se concentrer sur l'essentiel" Je ne sais pas pourquoi je lui ai dit cela, mais face à la mort à laquelle il avait échappé d'un court cheveu, c'est la seule chose utile que j'ai trouvé à dire. Alors c'est quoi l'essentiel de ma vie ?
Jésus n'a pas promis de vie paisible. La sienne ne le fut pas et pourtant il était parfaitement en paix.
Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. C’est pourquoi je vous dis : ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?
Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ?

Image du Corcovado créée à l'occasion de veillées de prière à l'église Stella Matutina
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