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Et si demain la guerre ?




Le 24 mars dernier, nous fêtions la bienheureuse famille Ulma. Une famille de fermiers polonais aussi simple que banale, si ce n'est qu'elle comptait sept enfants, dont le dernier s'apprêtait à naître. Jozef et Wiktoria menaient une existence faite de labeur et d'érudition. Ils aimaient les beaux livres autant que les nombreux arbres fruitiers de leurs vergers.


Lorsque la guerre fut déclarée et la Pologne envahie en septembre 1939 par l'Allemagne nazie, les Juifs furent pourchassés et arrêtés. C'est alors que le couple de fermiers décida de les cacher dans leur propre maison, au péril de leur vie et de celle de leurs enfants. Deux familles avec des enfants vécurent ainsi avec eux, jusqu'à ce qu'ils fussent dénoncés en 1944 par un agent de police du village. Le 24 mars de la même année, une troupe de SS débarqua chez eux, tuant d'abord les réfugiés, puis le couple et enfin chacun des enfants, avec une volonté farouche de faire un exemple pour effrayer les autres habitants du village.

"Justes parmi les nations" pour le peuple Juif, ils ont été béatifiés à la demande du Dicastère, à Markowa, dans leur village, le 10 septembre 2023. Un fait incroyable dans l'histoire de l'Eglise: une famille entière, dont un enfant à peine né, a été reconnue martyre de la foi.


 

Leur histoire est aussi extraordinaire que troublante. Elle est plus actuelle que jamais. Aujourd'hui que les menaces terrifiantes de guerre envahissent les médias et que les agressions faites aux chrétiens se multiplient partout dans le monde, la question se pose à nous: quelle attitude adopterons-nous lorsque, demain, la guerre frappera à nos portes ?


 

Pourtant, quelle nous semble encore lointaine ! Alors que le monde sombre dans le chaos tout autour de nous,que la Vie est menacée dans les balbutiements de la conception jusqu'à la fragilité de son terme, les chars d'assaut paraissent inatteignables. Nous nous souvenons des récits de nos grands-mères, encore apeurées par le bruit de bottes des soldats nazis envahissant la France (en 1940), ou du sifflement des bombes à la tombée de la nuit. Nous entendons toujours un vieil oncle parler à demi-mots des coups de feu et des attentats proférés dans la ville d'Alger ou d'Oran, ne quittant pas sa maison le matin sans se demander s'il allait revenir chez lui sain et sauf. La guerre fait partie des photos souvenirs en noir et blanc qui traînent dans une vieille valise, au grenier.

"Cette peur de tout perdre sous les rafales de missiles ne concerne aujourd'hui que le Moyen-Orient", pensons-nous avec froideur. "L'exil ne vaut que pour les Africains ou les Arméniens", entendons-nous encore. Et tout le monde reprend le court de sa vie, avec son confort et ses petits soucis quotidiens. Tant de mères ont déjà rejoint les douleurs du Cœur transpercé par le glaive de la sainte Vierge Marie ! Ne nous voilons pas la face en prononçant ces phrases, qui cachent bien souvent notre crainte d'un jour partager le même sort que ces pauvres gens, et de perdre ce que nous avons de plus précieux: nos enfants. Pour autant, il ne s'agit pas de céder à la panique et de s'arrêter de vivre.


Car la guerre est déjà là. Nous menons une lutte de survie pour protéger l'esprit de nos petits, assaillis d'idéologies aussi ubuesques les unes que les autres. Notre héritage chrétien est sans cesse la cible de controverses politiques qui nous inquiètent, car demain, lorsque notre pays n'aura plus d'héritage, qu'adviendra-t-il de tout ce qu'il a reçu ? Notre combat, en tant qu'êtres humains et que mères, est de transmettre ce que nous avons reçu de plus beau, pour que le Bien "gagne". J'ose penser que cela passe d'abord, comme le disait sainte Thérèse, par la "petite voie" de nos tâches répétitives et (souvent) rébarbatives, qui par leur manque d'éclat, sont des offrandes quotidiennes pour le salut du monde. La manifestation de notre amour, de quelque manière qu'il soit, mais surtout dans le don et la transmission, est une arme puissante.

Je pense également à tous les actes que nous pouvons faire en famille par charité: parler avec des sans-abris en leur offrant une boisson chaude ou un sandwich, louer le Seigneur en pleine rue pour porter témoignage (les enfants adorent chanter très fort des Alleluia de partout), ou encore, pour les plus téméraires, de partir en pélé à vélo sur les routes de FRance et d'Europe, s'engager auprès personnes vulnérables ou vivre au sein des cités (Le Rocher par exemple) ou carrément se donner à l'autre bout du monde (Fidesco...). N'ayons pas peur de multiplier nos actes et nos paroles d'amour envers nos enfants, nos parents, nos voisins et ceux qui nous dérangent, en particulier lorsque leur comportement nous dépasse. Nous deviendrons un exemple de justice et de miséricorde, à l'image de Jésus.



 

Ces petits et grands dons nous prépareront à tout accueillir de Dieu. Oui, la guerre physique, dans toute sa brutalité, n'est pas plus qu'à un pas de cette lutte idéologique et spirituelle. L'assassinat du père Jacques Hamel nous l'a tristement rappelé il y a quelques années, et la menace d'une guerre mondiale avec les conflits israélien et ukrainien ajoute à cette angoisse un parfum de terreur. Car nous aurons à défendre une foi et une charité qui disparaissent de la sphère sociale, et qui ne sont plus comprises. Pour nous, la venue du Christ n'est pas qu'un détail historique. Il s'agit de la victoire définitive de sa Résurrection sur la mort, de sa Révélation de la miséricorde et la de justice du Père.


Nous sentons-nous pour autant l'âme d'un plaisantin au moment du martyre, comme l'aurait fait saint Laurent ? Nous tarde-t-il de mourir avec l'ardeur des premiers chrétiens de Rome et de notre Lugdunum ? Nous ne sommes pas tous prêts à mourir de manière héroïque. Or Dieu donnera cette grâce particulière à certains d'entre nous, car il en existe de ceux-la pour nous encourager les uns les autres dans la foi. Personnellement, je ne peux pas envisager de voir souffrir mes enfants. C'est un bien grand manque de confiance envers mon Créateur, et toute humaine que je suis, j'ai beau tenté de puiser en Lui des ressources, cette peur terrible revient au galop très souvent.


Ne négligeons pas les qualités d'écoute du Seigneur, ni les grâces de l'adoration. Si je vous parle de la famille Ulma, c'est que son histoire est arrivée entre mes mains alors que j'envisageais le pire. Curieusement, je me suis laissée apaiser par la simplicité de leur sacrifice: d'abord en prenant la décision de sauver des familles juives des camps d'extermination, comme si cela leur paraissait naturel, ensuite de leur exécution, froide et rapide. Je ne me suis pas demandée quelle angoisse avait dû être la leur en voyant les officiers SS. Ils étaient certainement préparés, intérieurement, à ce destin particulier du martyre, puisqu'ils avaient déjà décidé d'offrir leur vie pour sauver celle des autres. Ils se sont offerts avec le silence et l'humilité de toute leur vie.

Leur histoire rejoint les mots de Jacques Apôtre - entendu il y a quelques jours à peine dans les lectures du temps pascal- qui écrit dans sa première lettre :


"Mes frères et sœurs, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que la mise à l'épreuve de votre foi produit la persévérance. Mais il faut que la persévérance accomplisse parfaitement sa tâche afin que vous soyez parfaitement qualifiés, sans défaut, et qu'il ne vous manque rien."


 

Oui, Dieu est un père infiniment bon et aimant pour ses enfants. N'ayons pas peur de lui demander de nous épargner une mort violente, en particulier de préserver le corps et l'âme de nos enfants de toute brutalité. N'ayons pas peur de lui demander la persévérance dans la foi et la charité au quotidien, et la confiance en Son amour pour nous. Et si Sa volonté est que nous devions mourir en donnant notre vie pour les autres, qu'Il nous donne l'apaisement et la joie de nous offrir pour sauver la vie (éternelle) de notre prochain.


Surtout, ne méprisons pas la communion des saints. Unissons nous par la prière, avec les saints qui nous ont précédés -la sainte famille ou la famille Ulma par exemple- en remettant nos craintes et nos faiblesses dans les mains du Seigneur, afin qu'Il s'occupe de tout, à commencer par les petites âmes qu'Il nous a confiées.


Enfin, prions ensemble pour toutes les familles qui sont terriblement touchées par les violences de la guerre, quelles qu'elles soient, en Ukraine, à Gaza, au Nigeria et dans tous les pays du monde ravagés par la corruption et la haine. Prions pour que les soldats demeurent au service de la sécurité des populations et non de leur destruction. Prions pour que le respect de la Vie, qui nous conduit à la charité, devienne une priorité dans nos pays occidentaux, afin que le monde vive en paix.


Ô notre Mère du Ciel, Reine de la Paix, protège tes enfants et prie pour nous !





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