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12 nouveaux-nés la même nuit

On avait déjà deux heures de messe dans les pattes, et une journée bien chargée avant. Les bébés avaient fini par tomber d’épuisement dans les poussettes, pour notre plus grand bonheur, après plus de vingt minutes de bercements patients des pères ou mères ; les 3-8 ans avaient succombé avant les minus, les uns affalés sur deux chaises, empêchant leurs parents de s’asseoir, les autres lovés sur les genoux paternels, empêchant les pères de se lever. Je rêvais moi aussi de dormir sur l’épaule du voisin, en l’occurrence mon mari. Huit longues lectures m’avaient bercée. Mais un peu de dignité, encore un petit effort, à ajouter à tous ceux du carême qui s’achève.



On avait déjà deux heures de messe dans les pattes, et une journée bien chargée avant. Mais on allait être ressuscités sans le savoir, ressuscités par la naissance de nouveaux frères et sœurs. 12 ! 12 naissances sous nos yeux, de garçons et de filles de 15 à 20 ans ! 12 nouveau-nés de leur plein gré. Accueillir un frère ou une sœur ce n’est déjà pas rien, mais 12 d’un coup, où donner de la tête ? La fatigue est partie, l’envie de dormir, de raccourcir la liturgie, de rendre muet monsieur le curé. Du vent tout cela, plus qu’une immense joie dans le cœur et autour de moi. De ma place, impossible de voir les visages et la joie de ses 12 petits-frères et sœurs touts neufs mais je regarde ceux qui les regardent. Le chantre au sourire resplendissant qui rougit de joie sous les alléluia. La petite-fille qui dormait dans les bras de son père et qui, réveillée par les cloches du Gloria s’est juchée sur ses épaules. Dans le chœur le diacre qui a accompagné ces catéchumènes, comme une sage-femme veille sur une grossesse. Cette femme enceinte de 8 ou 9 mois, qui s’est relevée avec fatigue et courage et qui sourit autant que s’il s’agissait du baptême de son bébé. Et les ados. Tous ces ados si nombreux qui sont venus exprès pour le baptême du cousin, de la copine de classe, de la meilleure amie qui fait un choix si surprenant.



Bien sûr, ces ados, ils sortent leur portable et canardent un peu, même si de leur place on ne voit pas grand-chose. Mais s’ils étaient dans une chambre de maternité à contempler le dernier arrivé de la famille, ils sortiraient aussi leur portable pour trois tonnes de photos et on laisserait faire. Ils ne seraient peut-être pas capable d’exprimer avec des mots leur émerveillement pour le nouveau-né mais en publiant sur insta la petite main dans la leur ils témoigneraient de leur amour fraternel tout frais. Et ce soir, au milieu de la messe plusieurs d’entre eux sont aussi insta. Ca manque un peu de solennel, ça laisse peut-être un peu moins de place à Dieu qui frappe à leur cœur mais la photo des centaines de flammes de Pâques et en fin de messe le selfie avec la copine néophyte en cape blanche n’ouvrira-t-il pas des cœurs à Dieu ? Moi on m’a appris le silence et le recueillement à la messe, pour faire de la place à Dieu en théorie et parfois pour rattraper d’une mauvaise nuit ou penser à ma liste de courses. Mais j’ai un peu perdu de cette fraicheur qui est la leur. Que vais-je transmettre de cette belle nuit pascale, de cette naissance à l’Église de douze adolescents fougueux ? Vais-je même en parler mardi au boulot ? Oh, je ne suis pas sûre que ça intéressera mes collègues… je vais l’écrire sur ma conversation familiale où ça réjouira mes frères et sœurs cathos sans beaucoup les stimuler pour autant. Pendant plusieurs semaines on en discutera entre paroissiens, des étoiles plein les yeux, en espérant voir encore, les années prochaines de nouveaux baptisés à chaque nuit pascale.



Alors maintenant que cette nuit est finie, que faire ? Me réjouir encore en y repensant puis attendre Pâques suivant, si l’on n’est pas parti quelque part en famille, dans une paroisse que l’on ne connait pas, parce que ça colle avec nos vacances ? Non !



D’une part il s’agit d’accueillir pleinement ces nouveau-nés. On va voir un bébé à la maternité ou peu de temps après chez lui, on l’admire, on fait risette, on s’émerveille à juste titre. Si l’on est normalement constitué on souhaite aussi le voir grandir ce filleul, neveu ou cousin. Alors gardons contact avec les néophytes, permettons-leur de grandir sereinement dans cette famille qu’ils ont choisie. Il n’est peut-être pas possible de les inviter à déjeuner, ils ont 15 ans et à leurs yeux mon mari et moi sommes des vieux chez qui ils seront mal à l’aise. Mais n’ont-ils pas leur place à l’apéro paroissial ou au ciné du dimanche ? Et quand je les croise dans le bus ou à la fête des voisins, vais-je les traiter comme des inconnus ou comme mes petits-frères ou cousins, grâce à cette nuit de Pâques ? Et Unetelle, parmi les douze, que mon mari a suivi à l’aumônerie du collège, certes, elle a eu le droit à un petit cadeau au soir de son baptême mais aura-t-elle un texto à Pâques prochain pour son anniversaire de baptême, et pensera-t-on à lui proposer la place restante dans la voiture lorsque la messe n’est pas dans son village mais dans un clocher plus éloigné ?


D’autre part il s’agit de ne jamais se lasser. Les ainés de grandes fratries en témoignent : chaque naissance est une nouvelle rencontre et l’on a autant de joie au septième petit-frère qu’au deuxième. D’où vient alors qu’on entende parfois en début de messe dominicale « oh zut, y’a un baptême, ça va être plus long ! » Bannissons à jamais cette phrase de nos pensées, réjouissons-nous à chaque fois et apprenons à nos enfants à s’en émerveiller. Laissons-les, avec l’accord de notre curé, s’approcher de la cuve baptismale ou grimper sur une chaise pour mieux voir ! Montrons-leur les petits livres « je vais à un baptême », y compris lorsque c’est le baptême d’un inconnu dans notre paroisse. Je voudrais qu’ils se réjouissent autant que si c’était le baptême d’un cousin ou d’un ami.

Et faisons sentir extérieurement cette joie à la famille du baptisé. Plusieurs petits signes sont possibles :

  • On peut difficilement offrir un cadeau à chaque baptisé de la paroisse (quoique, dans les paroisses pauvres en baptêmes, c’est un défi réalisable !) mais on peut leur faire le cadeau d’être bien à l’heure pour ne pas déranger la célébration. La communauté (dont nous sommes) doit leur faire le cadeau d’avoir répété les chants et soigné le ménage.

  • Si les enfants ont fait un coloriage pendant la messe ou lors d’une liturgie de la Parole, proposons-leur de l’offrir au baptisé. Les enfants n’ont pas nos barrières et peuvent nous réapprendre la spontanéité que Dieu nous invite à vivre. La famille se rappellera par ce dessin tout simple que les enfants ont toute leur place à la messe. J’ai toujours sur mon réfrigérateur le coloriage qu’une petite Castille m’offrit un dimanche à la fin de la messe.

  • Saluer la famille à la sortie de l’église, les féliciter. Ca n’a l’air de rien mais c’est essentiel pour qu’ils sentent que cet acte de foi est par essence communautaire.

  • Est-ce trop nous demander de retenir le prénom du baptisé au moins jusqu’à notre prière du soir, pour remercier Dieu de ce petit-frère et le Lui confier ? Si on a une mémoire de petit poisson, notons son prénom.

 


En ce printemps, saison de la joie, période où l’Église recense tant de baptêmes et de premières communions, restons dans l’immense joie de Pâques et mettons tout notre cœur à être une vraie famille ! Et vous, que faites-vous ou que voudriez-vous faire, seul, en famille ou en paroisse pour que les néophytes soit en paroisse comme en famille ?

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