Chère Maman,
Dimanche, l'Evangile venu caresser nos oreilles était celui de la pauvre veuve, déposant ses deux piécettes en guise d'offrande dans le temple du Seigneur. Ce texte bien connu et souvent commenté nous a tous marqués: serions-nous capables, comme cette pauvre veuve, de donner tout ce que nous avons par amour pour Dieu ?
J'ai toujours eu énormément de sympathie pour cette petite veuve, que j'imaginais vieille, potentiellement amoindrie dans ses capacités, - aveugle, sourde, ratatinée sur elle-même, que sais-je ! -, sans grands besoins et en fin de vie.
Puis j'ai découvert ce tableau, L'obole de la veuve, de François-Joseph Navez, peint en 1840. Stupéfaite, j'y ai vu une veuve magnifique, de mon âge environ, un enfant dans les bras, l'autre dans la main, déposant dignement ses pièces dans la coupe. S'est alors envolé le cliché de la petite mamie qui jusqu'alors illustrait pour moi ce texte. J'ai pris conscience de deux choses.
Je me suis souvenue que la mort nous touche, peu importe l'âge de notre vie, tous et toutes, sans que nous n'ayons vraiment le choix. Cette femme, sans mari, ce pourrait être moi. Ou une de mes amies. S'identifier à cette femme semble plus simple: avec ses deux enfants dans la main, quelqu'un qui la croiserait dans la rue ne se douterait peut-être pas de sa condition.
Enfin, j'ai admiré la capacité de cette femme à donner. Non seulement elle donne, ce qui déjà peut relever de l'exploit, mais en plus elle ne donne pas de son superflu. Elle donne. Elle pense à quelqu'un d'autre qu'à elle, qu'à sa propre cellule familiale. Tout pourrait l'excuser: son veuvage, sa solitude, ses enfants... Elle a bien d'autres priorités que de donner. La taxer d'irresponsable serait presque entendable également: comment est-ce qu'une femme, qui a charge de famille, peut donner ce qui est nécessaire pour nourrir ses petits ou faire vivre sa maison ? Quelle irresponsabilité... Qu'elle investisse cet argent, qu'elle le mette de côté pour sa sécurité ! Ce serait bien normal, après tout. Finalement, cette femme qui aurait toutes les excuses du monde pour extraire de sa vie d'autres préoccupations que les siennes vient avec ses enfants déposer son offrande, dignement, sans flon-flon.
Pour donner, elle n'a pas pris de pincettes, elle n'a pas fait de calculs, elle n'a rien anticipé. Elle n'a pas attendu de pouvoir donner. Elle ne s'est pas mise en grand apparat pour venir au temple, elle n'a pas attendu de pouvoir confier ses enfants pour accomplir son geste. Elle est venue, telle qu'elle était, apporter un peu de sa misère dans la coupe. Car qu'est-ce que l'indigence sinon la pauvreté ?
Petite maman, toi qui pestes contre le mauvais temps, contre des enfants trop comme ci, pas assez comme ça, toi qui te plains devant ton intérieur mal rangé, toi qui voudrais perdre des kilos, être plus disponible, prendre le temps de prier une heure par jour et recevoir du monde à dîner au moins un soir par semaine, toi qui te sens parfois nulle et fatiguée, lassée d'un quotidien qui te paraît si fade certains soirs, sois-en sûre: le Seigneur se fout éperdumment de ton idéal de perfection. Ta faiblesse, ta misère, il les boit du regard. Elles sont le suc de son sacrifice à Lui. Il n'attend que cela. Qu'à chaque chute, tu relèves la tête vers lui, comme un enfant prend la main qui lui est tendue lorsqu'il tombe. Alors certes, cela relève de l'exploit: mais si tu y parviens, essaie de Lui donner même ce qui te semble terne, insignifiant ou carrément pourri.
Tu as passé ta journée à crier, à te plaindre, tu n'avais qu'une envie, que le soir arrive, et maintenant qu'il est là, te voici pleine de regrets pour cette journée fichue ? Offre-la. Offre chacune des crises que tu as vécues, sans jugement. Tu as fait du mieux que tu as pu. Et si ce n'est pas le cas, offre-tout quand même. Le Seigneur prend. Il prend tout !
"Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse.» Aussi, je me montrerai bien plus volontiers fier de mes faiblesses afin que la puissance de Christ repose sur moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les insultes, dans les détresses, dans les persécutions, dans les angoisses pour Christ, car quand je suis faible, c'est alors que je suis fort."
2 Corinthiens 12: 9-10
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