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Cathomobile ou chariotte du diable ?

Quelques clichés et un petit fond de vérité


Dimanche matin, près de l'église, c'est un peu la panique tandis que les cloches sonnent. Les enfants sautent des voitures, courent avec leurs livres de messe, pendant que les pères cherchent une place où garer le monstre. Bientôt tout est calme sur le parking, bercé par le chant qui s'élève de l'assemblée.


Pour une fois, elles sont majoritaires, ou du moins en grand nombre. Format XL, elles brillent au soleil. Outre le nombre important de places, le joyeux désordre qui peut parfois y régner, ces voitures arborent fièrement leurs décorations, sur leur pare-brise arrière : « SOS prière », « SOS IVG », « SOS Futurs mères », E.S.F., Bossant, drapeau LMPT, Notre Dame de Chrétienté ou bien d’autres encore. Parfois également, le chapelet, une prière à saint Christophe ou une médaille miraculeuse font partie intégrante du tableau de bord.


Les cloches sonnent à nouveau. Bientôt les paroissiens sortent de l'Eglise et c'est un joyeux bazar sur le parvis. Les enfants courent partout, les parents discutent, les scouts vendent leurs gâteaux et le prêtre ne sait plus où donner de la tête devant toutes ces mains qui se tendent et veulent lui parler plus fort que le voisin.


Les cathomobiles vont pouvoir reprendre du service. On s'y entasse, parfois on se dispute pour savoir qui va devant et qui doit aller sur la banquette arrière. Les petits sont souvent envoyés au fond, sous prétexte que les grands ont besoin de place pour leurs jambes, raison souvent mal comprise, voire contestée, si bien que de temps en temps cela tourne au drame...

Quand ce n'est pas une dispute au sujet des places qui vient empêcher les grâces reçues lors de la messe de se déployer, il arrive que ce soient les langues de vipères qui se déchaînent en passant parfois la cinquième vitesse. Chacun en rajoute, inconsciemment peut-être, mais c'est à celui qui en dira le plus. Cela commence par une remarque au petit frère qui servait la messe et qui s'est trompé de geste... tout le monde l'a vu, ce n'est pas possible ! Que va-t-on penser ? Quant au prêtre, n'en parlons pas, il ne s'est pas incliné devant l'autel en allant se rassoir après l'homélie. Un détail, peut-être, mais c’est fou comme sa formation liturgique est pauvre... Et puis Jérôme qui vient avec toute sa ribambelle de petits et qui n'est pas foutu de les tenir en laisse au moins pendant la consécration ! Les gens n'ont vraiment plus aucun respect de nos jours ! Le psaume ? Non mais il faudrait quand même rappeler que ne chante pas qui veut, franchement, c'est quand même la Parole de Dieu, alors la voix qui tremble, au point qu'on n'arrive même plus à se concentrer sur les paroles... Et madame La Vieye, elle t'a encore tenu la jambe à la sortie pour te demander si tu pouvais t'engager dans l'accompagnement des catéchumènes ? Non mais ils ne se rendent pas compte ces retraités qu'on peut avoir d'autres choses à faire quand on est père de famille ! Voilà la cathomobile devenue charriote du diable, et on peut dire alors qu'il a gagné cette partie.


Pourtant, si nous avions pris le temps, ne serait-ce que bref, de rendre grâce pour l'incroyable mystère vécu juste auparavant, pour les tabernacles que nous sommes devenus, alors le Seigneur aurait pu trouver une place au sein de nos cœurs, et augmenter en nous la charité.


Son amour donné aurait pu être reçu, et dès lors les yeux auraient vu à travers Son regard. Nous aurions remercié notre petit frère pour sa fidélité au service de l'autel. Nous aurions rendu grâce à Dieu de nous avoir donné un prêtre pour nous donner son Eucharistie, et nous n’aurions pas attaché d'importance à ce petit oubli d'inclination, même sans savoir qu'il était en fait dû à l'esprit préoccupé du père, dont le frère venait de lui annoncer qu'il était atteint d'un cancer. Nous serions allés saluer Jérôme à la fin de la messe et nous aurions compris qu'il était un peu dépassé en ce moment, qu'il avait cherché partout les petits livres de messe avant de partir, mais en vain, faute de pouvoir joindre Émilie partie en voyage de classe avec ses élèves. Nous aurions admiré Aliénor qui a eu le courage de chanter le psaume pour la première fois, et qui est bien déçue de n'avoir pu maîtriser ses tremblements malgré les heures passées à répéter. Nous aurions rendu grâce pour Madame La Vieye qui donne tout son temps au service de l’Église, et nous nous serions sentis honorés de sa confiance.


Nous aurions alors laissé le Seigneur vivre en nous, et les démons n'auraient pu trouver aucune place dans la cathomobile, trop pleine d'amour, d'enfants, de parents et d'anges de Lumière.

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