top of page
Photo du rédacteurSophie D

Réveillon partagé


J’évoquais l’idée dans un précédent article d’ouvrir votre table le soir de Noël ou du 31 décembre. Ce n’était pas une idée en l’air mais bien quelque chose de faisable, testé moi-même. À la demande de certaines, voici un rapide témoignage qui vous donnera peut-être envie de vous lancer aussi !


Il y a quelques années alors que j’étais jeune stagiaire à Paris, je m’apprêtais à passer seule la fête de Pâques, n’ayant pas de vacances et pas assez d’argent pour m’offrir un aller-retour en famille sur un week-end. J’avais acheté une pâtisserie pour changer un peu de l’ordinaire et réveillonner seule, bien décidée à transformer tout de même ce soir-là en soir de fête. Et tout à coup, un texto changea la donne, deux ou trois heures seulement avant la vigile. Un couple de la paroisse m’invite après la vigile pascale. Ils habitent en face de l’église : pas d’excuse pour ne pas venir ! Je les connais à peine mais je sais qu’ils sont investis sur la paroisse, désireux de créer du lien et soucieux des solitaires. J’espère croiser quelques têtes connues et me rassures en lisant le message : « pas d’horaires fixes, ce sera très simple ». J’ai passé une excellente soirée, à partager des chocolats, découvrir des jeux de société et des personnes merveilleuses.

L’année dernière, soit dix ans après ce soir de Pâques, j’ai choisi avec mon mari d’ouvrir aussi notre table au soir de Noël. Notez que ce n’est pas uniquement altruiste ! Nous avons fait le choix de rester en paroisse à Noël. La conséquence est que nous ne serons pas en famille. Parents d’un bébé, nous avons conscience qu’il serait très tentant de se contenter d’une soupe chaude et d’une part de bûche avant d’aller nous coucher comme tous les autres soirs ! Si l’on reçoit à notre table, impossible de nous coucher flemmardement à l’heure des poules ! Et l’idée que certains passent Noël comme n’importe quel autre soir nous attriste vraiment ! Nous en parlons au prêtre de notre paroisse qui est habitué aux idées audacieuses de mon mari et connait bien notre désir de renforcer la fraternité en paroisse. Pas très sûr que nous aurons beaucoup de monde, il nous appuie tout de même. Ainsi ce ne sera pas un simple réveillon chez nous mais un réveillon paroissial. Dans les faits ça ne change rien, nous serons seuls à s’organiser mais les personnes intéressées se sentiront probablement moins gênées de venir. Cela donne un cadre plus rassurant.


Concrètement, il a fallu dépasser quelques peurs, cibler les besoins et nos limites puis se lancer et récolter les fruits !

Deux peurs majeures m’habitaient, assez opposées : d’abord que ça fasse un flop et que l’on soit seuls ou, plus gênant encore, qu’il n’y ait qu’une personne ! Ensuite que ce réveillon n’attire que des personnes trop isolées pour réussir à s’ouvrir les unes aux autres et qu’il n’y ait donc pas d’ambiance. Je vous rassure tout de suite, ces peurs sont vites balayées. Même si une des deux situations se présentait, qu’est-ce qu’une soirée dans une vie ? Et il est évident que lorsqu’on a un élan de générosité comme celui-ci, même très simple, des fruits existent. A minima celui de renforcer notre couple en portant un projet commun, qu’il aboutisse ou non.

Nous habitons en face de l’église où la messe était célébrée à 18h30 (nous logeons dans l’ancien presbytère, je vous raconterai ça dans un autre article). Mon mari avait pris soin de décorer la maison avec une grande guirlande lumineuse, pour plonger les hôtes dans une belle ambiance. L’apéritif était déjà prêt. En effet les plus timides sont aussi souvent les premiers à arriver (peur d’être en retard, personnes avec qui discuter sur le parvis…) Cette année nous n’avons plus un mais deux bébés, il faudra très certainement que l’un de nous s’éclipse pour les coucher en rentrant de la messe, c’est-à-dire au moment où les invités arriveront. Ce n’est pas grave en soi mais il est donc impératif de ne pas se mettre la pression : l’apéritif sera froid et simple. À deux on ne peut pas être en cuisine, dans la chambre des enfants et sur le pas de la porte en même temps !

Ensuite très simplement les choses se sont déroulées comme si nous étions entre amis classiques. Nous étions une dizaine : notre curé entre deux messes, quelques femmes veuves qui recevaient leurs enfants seulement le lendemain voire en janvier seulement, une femme dont les enfants encore jeunes passaient Noël chez leur père, une néophyte sans famille… il n’y a qu’une femme que nous ne connaissions pas du tout mais qui nous avait contactés par des paroissiens. C’était notre doyenne, que mon mari avait été chercher chez elle et qu’il a raccompagné vers une heure du matin. Une belle rencontre ! Pour le diner, nous avions prévu un plat festif mais familial, plutôt qu’un buffet (peu adapté à l’âge de nos participants) ou qu’un repas servi à l’assiette (qui nous aurait empêché de recevoir l’invité de dernière minute !) Mais pour le 31 décembre notre public était plus jeune, un apéro dinatoire suivi d’un karaoké a convenu à tous.

Nous avions fait le choix de ne pas dire aux invités qui serait présent. Un petit effet de surprise qui nous met dans cet esprit de Noël de recevoir l’autre tel qu’il est. Après tout, à la crèche, l’ange n’a pas annoncé aux bergers « avant vous j’ai prévenus les bergers de telle colline, ceux avec qui vous vous êtes disputés au dernier conseil pastoral ! ». Nous savions qu’il n’y aurait aucune étincelles car chacun désirait la paix pour Noël. Pari gagné. Les discussions allaient bon train. Nous n’avons jamais eu à relancer la discussion, tout au plus à l’orienter pour permettre à la plus timide des participantes de trouver sa place. Une des invités avait prévu le dessert. Un beau cadeau pour moi qui suis piètre pâtissière !

Mon mari avait fabriqué des petits moutons en bois à ajouter à la crèche, pour que ceux qui ne recevaient personnes à Noël aient tout de même un petit cadeau. Nous tenions à ce que ce soit fait maison pour ne pas gêner les plus démunis. C’était sobre et simple et ça a beaucoup plus. Nous avons évidemment tous prié devant la crèche avant que chacun ne regagne ses pénates.

Nous avons remis ça le 31, avec un public un peu différent. Et rebelotte cette année ! Grande joie d’ouvrir encore notre table et d’offrir un peu de vie de famille à ceux qui en ont peu !

Quelques conseils pour ceux qui voudraient se lancer :

- Seul c’est beaucoup de stress. Si vous êtes célibataire, proposez à un/une amie de monter ceci avec vous. Pour vous rassurer voire vous épauler, pourquoi pas embarquer dans l’aventure quelques proches mais attention à ce que la proportion « copains/invités » ne soit pas écrasante !

- Ayez l’appui de votre curé, parlez-en aux visiteurs de malades, éventuellement au CCAS, au foyer d'étudiants…

- Connaissez vos limites, ne mettez pas la barre trop haut. Rien de honteux à avoir un plat acheté ou un salon où trainent quelques jouets d’enfants.

- Prenez en compte la situation locale : si vous êtes loin de l’église, pouvez-vous recevoir dans une salle paroissiale pour que les gens n’aient pas à reprendre leur voiture entre la messe et chez vous ? Si vous êtes dans une paroisse encore plus rurale que la nôtre, avec beaucoup de personnes âgées, un apéritif le 25 sera-t-il plus adapté ? S’il y a beaucoup de jeunes seuls sur votre paroisse pensez à une playlist adaptée et des jeux de société.

- Confiez vos invités à la Sainte Vierge, bien meilleure maitresse de maison que vous !

Bon Noël à tous, je vous souhaite d’offrir le meilleur de vous-même ! Et toi, Isabelle, qui m’invita avec ton mari pour Pâques, toi qui participes depuis deux ans au festin des noces éternelles, aide-nous à répandre un avant-goût du Paradis sur la terre, avec ceux que nous accueillerons au soir de Noël. Merci.


1 comentario


Bravo ! Quel bel élan missionnaire ! Dieu vous le rende.

Me gusta
bottom of page