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Noël littéraire 3/4 : avec Charles Dickens

Voici le troisième d'une série de quatre extraits de romans évoquant la fête de Noël. Ils m'ont permis, directement ou indirectement, de réfléchir et mieux cerner la spécificité de cette fête si importante à nos cœurs. Les histoires racontées, très différentes, font écho aux textes liturgiques dans une lecture à la fois personnelle et spirituelle.


Les textes du troisième dimanche de l'Avent sont remplis de joie, ce n'est pas pour rien qu'on appelle ce dimanche le "Gaudete" et que la couleur liturgique est le rose !


"Le désert et la terre de la soif,

qu’ils se réjouissent !

Le pays aride, qu’il exulte

et fleurisse comme la rose,

qu’il se couvre de fleurs des champs,

qu’il exulte et crie de joie !"

(Isaïe 15)


Pour cette troisième semaine, j'ai choisi Un chant de Noël (A Christmas Carol), conte très célèbre Outre-Manche, écrit par Charles Dickens et paru en 1843. C'est une histoire comme on les aime, avec une saine morale et des personnages bien typés. La présence des fantômes et des esprits m'a un peu gênée au premier abord, mais je me suis rappelée qu'ils faisaient partie intégrante du folklore anglo-saxon. Ils jouent le rôle du magicien dans l'histoire, l'élément de transcendance qui rend justice, un peu comme les fées dans nos contes d'enfance. Je trouve toujours cela étrange de parler de Noël sans évoquer le Christ, mais cela n'empêche pas de méditer le texte à la lumière de la liturgie !

Attention : ce n'est pas un livre pour les enfants, mais d'abord un pamphlet politique destiné à dénoncer les inégalités sociales en Angleterre au début du XIXe siècle.


Londres la nuit, gravure de Gustave Doré


Le vieux Scrooge est un homme dur, extrêmement avare et insensible aux autres. Il déteste par-dessus tout la fête de Noël, prétexte selon lui pour obliger les gens aisés à faire des aumônes. L'argent est sa seule valeur, et il vit complètement seul dans un intérieur misérable, alors qu'il est très riche. Son neveu Fred vient tout de même lui rendre visite.

- Je vous souhaite un gai Noël, mon oncle, et que Dieu vous garde ! cria une voix joyeuse. C’était la voix du neveu de Scrooge, qui était venu le surprendre si vivement qu’il n’avait pas eu le temps de le voir.

- Bah ! dit Scrooge. Sornettes !

- Des sornettes ? Vous ne parlez pas sérieusement, ah ah ah !

- Si fait, joyeux Noël ! Quelles raisons avez-vous d'être joyeux ? N'êtes-vous pas pauvre ?

- Quelles raisons avez-vous d'être maussade ? N'êtes-vous pas riche ?

- Au diable, votre joyeux Noël !

- Ne vous fâchez pas mon oncle.

- Qu'est-ce donc que la Noël pour vous ? Si ce n'est l'époque de l'année où il faut régler ses factures alors qu'on n'a pas d'argent ? L'époque où on se retrouve plus vieux d'une année et pas plus riche d'une heure ? Si je pouvais en faire à ma guise, chaque imbécile qui court les rues, un Joyeux Noël à la bouche, serait mis à bouillir avec son propre pudding et enterré, une branche de houx planté dans le cœur. Alors, laissez-moi ne pas le célébrer et grand bien vous fasse-t-il ! Pour le bien qu'il vous a fait jusqu'à présent.

- Il y a beaucoup de choses dont je n'ai pas tiré tout le bien que j'aurais pu mais je crois que Noël me fait du bien même si je suis pauvre et qu'il m'en fera encore. Aussi, je répète "Vive Noël !".

Le contraste est évidemment exagéré entre le riche malheureux et le pauvre plein de joie, mais il a quelque chose d'évangélique : la foi du pauvre lui assure que le Seigneur aura pitié de lui et que sa peine aura une fin. Cette joie de Noël est en quelque sorte une "avance" sur le Salut final, un avant-goût d'éternité offert aux plus petits.


"Le Seigneur fait justice aux opprimés,

aux affamés, il donne le pain,

le Seigneur délie les enchaînés."

(Psaume 145)


Capture d'écran du film.


On se doute que la suite de l'histoire sera une leçon donnée au vieux Scrooge qui finira par devenir bon (lisez, c'est vraiment très drôle !). Aussi peut-on voir dans ces textes comme un appel à la conversion : non seulement les pauvres seront récompensés, mais tous les hommes, même les plus mauvais, sont appelés à la sainteté. L'image du cultivateur qui attend patiemment est aussi celle du Seigneur, qui prend son temps et ne nous force pas.


"Voyez le cultivateur :

il attend les fruits précieux de la terre avec patience,

jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive."

(Lettre de saint Jacques, 5)


Un autre passage du livre, qui m'a beaucoup amusée, fait référence aux aveugles. Ceux-ci évitent le méchant vieillard car il chasse sans pitié les mendiants. "Les chiens d'aveugle eux-mêmes semblaient le connaître et, lorsqu'ils le voyaient approcher, tiraient leur possesseur sous les portes cochères et jusqu'au fond des cours ; après quoi, ils remuaient la queue comme pour dire : Mieux vaut pas d'œil du tout que le mauvais œil, mon ténébreux maître." L'aveugle n'est donc pas forcément celui qu'on croit ! Les plaies de l'âme sont parfois les plus difficiles à soigner. C'est pourquoi le Seigneur vient pour nous délivrer de toutes nos chaînes, visibles et invisibles, afin que que la joie puisse éclater.


"Alors se dessilleront les yeux des aveugles,

et s’ouvriront les oreilles des sourds.

Alors le boiteux bondira comme un cerf,

et la bouche du muet criera de joie.

Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent,

ils entrent dans Sion avec des cris de fête."

(Isaïe 15)


Capture d'écran du film.


Cette semaine, prions pour nous libérer de tout ce qui nous empêche de nous réjouir pleinement de la venue du Sauveur.

 

Les textes du troisième dimanche de l'Avent se trouvent sur AELF.

Un film d'animation Disney, sorti en 2009, reprend la trame du conte de Dickens : Le drôle de Noël de Scrooge (bande-annonce ici). Attention : malgré la bande-annonce sympathique, je ne conseillerais pas ce film aux enfants ( présence de scènes impressionnantes voire macabres).

Première édition, avec les illustrations de John Leech



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