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Visages de saint François

Particulièrement mis en lumière par le pape François depuis le début de son pontificat, saint François d’Assise a une personnalité riche et multiple. Mais qui était vraiment le « Poverello » ? Essai de réponse à travers les portraits qu’en ont fait divers écrivains… Des petits bijoux à lire et à relire !


Le chevalier sans armure

Détail de la couverture du livre.


Tout récemment sorti, ce saint François à la sauce Luc Adrian (ancien journaliste-reporter à Famille Chrétienne) est une plongée à 360 degrés dans la vie du Saint d’Assise. Volontairement provocateur et parfois décalé, il nous déroute pour mieux nous faire pénétrer le secret de ce drôle de paroissien. Nous assistons en direct à toutes les scènes bien connues : François ne veut pas être marchand, mais chevalier pour combattre les ennemis. Le Christ lui demande bien de « relever son Eglise » ! Mais c’est en ôtant son armure qu’il s’approchera au plus près de la volonté de Celui qui lui a pris sa vie. Un récit à lire comme une aventure qui donne le Salut !


« Ainsi commence l’épopée d’un chevalier pas comme les autres qu’on appellera saint François d’Assise. L’épopée la plus folle qui soit, et la seule qui puisse combler un cœur épris d’absolu : celle de la sainteté. Que cette aventure soit folle, François d’Assise vient de le prouver en embrassant un lépreux. Qu’elle soit heureuse, on demande à voir. C’est pourquoi nous allons continuer de le suivre à la trace. »


  • Luc Adrian, François d’Assise, le chevalier sans armure (éditions de l’Emmanuel, 2023). A retrouver ici sur la boutique de l'Emmanuel. J'en ai fait une critique plus personnelle à lire ici.


Le frère universel

Portrait par le peintre Cimabue (basilique Saint-François d'Assise, domaine public), largement commenté par François Cheng.


François Cheng, Chinois arrivé en France à 20 ans, témoigne de sa « fulgurante rencontre » avec saint François, lors d’un voyage entre amis à Assise, en 1961. Comment cette petite ville d’Ombrie a-t-elle pu donner naissance à une telle figure ? Loin d’être une visite de loisir, cette évocation des lieux est l’occasion d’explorer en profondeur la spiritualité du saint d’Assise, qui a voulu se faire le frère de tous, transcendant les époques et les cultures. Un voyage intérieur d’une très grande intensité, sous forme de témoignage.


« Comme tous ceux qui, depuis la plaine de l’Ombrie, voient Assise pour la première fois, je fus saisi, en sortant de la gare, par son apparition dans la clarté d’été, par la vision de cette blanche cité perchée à flanc de colline, suspendue entre terre et ciel, étendant largement ses bras dans un geste d’accueil. Figé sur place, j’eus le brusque pressentiment que mon voyage ne serait pas que touristique, qu’il constituerait un moment décisif de ma vie. Je me surpris à m’exclamer en moi-même : “Ah, c'est là le lieu, mon lieu ! C'est là que mon exil va prendre fin !” »


  • François Cheng, Assise : une rencontre inattendue (Albin Michel, 2014). Une lecture de ce texte est disponible sur YouTube. Vous pouvez aussi regarder cet extrait de l'émission La Grande Librairie où François Cheng évoque son livre.


Le très bas

Le sermon aux oiseaux, détail d'une peinture de Giotto (musée du Louvre, domaine public).


L’auteur Christian Bobin, récemment décédé, appliquait ce qualificatif à Dieu lui-même, avec des majuscules : le Très-Bas. Mais qui mieux que saint François s’est humilié pour descendre plus bas que terre et suivre son Seigneur jusque dans les souffrances de la Passion ? Cette évocation personnelle, très poétique, est pleine de silences… pour laisser de la place à Celui qui viendra les remplir et permettre la rencontre. A noter, une réflexion très touchante sur la maternité qui engendre la sainteté.


« Il ne cherche pas la pauvreté. Il cherche l'abondance qu'aucun argent ne sait donner. Il devine à l'instinct que la vérité est bien plus dans le bas que dans le haut, bien plus dans le manque que dans le plein. »

« Il parle aux hirondelles et s'entretient avec les loups. Il entre en réunion avec des pierres et organise des colloques avec des arbres. Il parle avec tous l'univers car tout est doué de sens dans l'amour insensé. »


  • Christian Bobin, Le Très Bas (Gallimard, 1992). Il existe une version audio lue par Michaël Lonsdale (2002).


Un pauvre sage

Image de couverture du livre (je n'ai pas trouvé la référence de l'œuvre).


Qui mieux qu’un franciscain peut parler de son fondateur ? C’est ce que fait Eloi Leclerc dans cette méditation profonde. Pauvre, oui, François l’est. Pauvre de corps, de cœur et d’esprit, c’est cette pauvreté qui lui donne accès à la sagesse. La Sagesse même, car c’est bien de Dieu qu’il s’agit : le choix de François apparaît comme une folie aux yeux des hommes, donc sagesse pour Dieu ! Pauvre aussi, car dépossédé de son œuvre, dépouillement suprême qui permit à son Ordre de porter tant de fruit. Un accès simple et limpide à la spiritualité franciscaine pour tous les néophytes.


« - Comment avoir le cœur pur ?

- Il faut simplement ne rien garder de soi-même. Tout balayer. Même cette perception aiguë de notre détresse. Faire place nette. Accepter d'être pauvre. Renoncer à tout ce qui est pesant, même au poids de nos fautes. Ne plus voir que la gloire du Seigneur et s'en laisser irradier. Dieu est, cela suffit. Le cœur devient alors léger. Il ne se sent plus lui-même, comme l'alouette enivrée d'espace et d'azur. Il a abandonné tout souci, tout inquiétude. Son désir de perfection s'est changé en un simple et pur vouloir de Dieu. »


  • Eloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre (Desclée de Brouwer, 1959).


Le jongleur de Dieu

François renonce à tout bien terrestre. Fresque de Giotto, basilique saint François d'Assise (domaine public).


L’écrivain anglais G.K. Chesterton s’attache au personnage de saint François avec sa verve habituelle et son style éclatant. On est littéralement mis en présence de ce ménestrel, qui chante l’amour et se consacrera corps et âme à sa dulcinée : Dame Pauvreté. Saint François jongle avec tout ce qui fait la lourdeur terrestre de l’humanité pécheresse, pour s’ancrer en Dieu uniquement. Cette évocation est d’autant plus émouvante quand l’on sait que l’auteur l’a écrite alors qu’il était justement en train de se convertir au catholicisme.


« Le premier point à comprendre sur saint François, cherchons-le dans le point de départ de son histoire ; comprenons que, lorsqu'il a dit dès le début qu'il était un troubadour, et plus tard qu'il était le troubadour d'une plus neuve et plus noble romance, ce n'était pas là pure métaphore, mais qu'il se comprenait beaucoup mieux lui-même que ne le comprennent les érudits. Il fut, jusqu'aux dernières angoisses de l'ascétisme, un troubadour. Il fut un amoureux. Il fut un amoureux de Dieu ; et il fut réellement et véritablement un amoureux des hommes ; ce qui est peut-être une vocation mystique beaucoup plus rare. »


  • G. K. Chersterton, Saint François d’Assise (1923, version française éd. Bruits du temps, trad. Isabelle Rivière).


L’homme des Fioretti

François et le sultan de Babylone (chapitre 24), Fra Angelico, musée de Lindenau (domaine public).


Les Fioretti (petites fleurs) sont des légendes et anecdotes, sans doute peu fiables d’un point de vue historique, mais qui nous emmènent dans le sillage de saint François avec l’enthousiasme de ses premiers compagnons. On est au plus près du petit pauvre qui fait des merveilles et on en redemande ! L’âge vénérable du texte incite au respect. Des générations l’ont lu et en ont eu le cœur bouleversé. A lire comme un conte… mais un conte qui sanctifie.


Voici l’histoire du loup de Gubbio : « Et voici que, devant beaucoup d'habitants qui étaient venus voir ce miracle, ledit loup alla à la rencontre de saint François, la gueule ouverte ; et saint François s'approchant de lui, fit sur lui le signe de la croix, l'appela à lui et lui parla ainsi: "Viens ici, frère loup, je te commande de la part du Christ de ne faire de mal ni à moi, ni à personne". Admirable à dire ! Aussitôt que saint François eut tracé la croix, le terrible loup ferma la gueule et cessa de courir. Et, le commandement fait, il vint paisiblement comme un agneau, se jeter couché aux pieds de saint François. »


  • Auteur inconnu (probablement un franciscain), Fioretti de saint François (fin XIVe siècle). Texte complet disponible ici.


 

Voici de belles pistes de lectures, que j'ai toutes beaucoup aimées et qui m'ont fait progresser sur les pas de saint François ! N'hésitez pas à citer en commentaire d'autres ouvrages traitant du saint d'Assise.



 

Ma lecture du Saint François d'Assise de Luc Adrian :


Luc Adrian, pour moi, c'est un vieil ami. Il ne le sait pas, mais je le connais depuis très longtemps.

Depuis toujours en fait, car mes parents étaient abonnés à Famille Chrétienne avant que je naisse, et j'ai goûté dans ses articles aux joies de l'humour et des calembours.

Il est un peu comme cet oncle aux repas de famille qui fait rire toute la tablée.

On rit, on rit, et puis après on comprend qu'il y avait un message derrière.

Oh, pas juste une petite remarque en l'air ! Non, c'est une pensée profonde, étayée, méditée, vécue, remâchée. Elle ne sort pas comme on l'attend et il faut y repenser longtemps après pour bien la digérer.

Alors quand j'ai appris qu'il avait écrit une vie de saint François d'Assise, emportée par la curiosité, j'ai voulu la lire. Je me suis dit : "S'il en parle, c'est qu'il le connaît bien. Je lui fais totale confiance. Mais je sais aussi que ça risque de décoiffer !"

Du coup j'ai lu.

Dévoré.

J'ai rencontré saint François, je l'ai suivi à la trace, j'ai assisté à toutes les étapes de sa vie.

Parfois j'ai eu du mal à suivre. Ça naviguait un peu trop, le décor bougeait, les époques, les lieux, les références, tout valsait vite.

Et puis je me rappelais l'oncle au repas, qui vous retourne la cervelle avec ses blagues tortueuses. Je m'accrochais et hop ! J'étais à nouveau parachutée à Assise, essayant de suivre Luc Adrian, qui poursuivait saint François, qui courait derrière le Christ.

Une chaîne en mouvement comme une image de la Communion des Saints.

Et c'est peu dire que cette lecture m'a fait du bien ! Je vous recommande donc ce livre.

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