Petite série de Carême sur les récits de conversion. Que se passe-t-il dans le cœur de celui qui se met à croire ? Comment le Seigneur réussit-il à toucher une personne qui ne le connaît pas, ne l'aime pas, refuse de l'approcher ? De l'extérieur, cela paraît mystérieux... C'est pour cela que les récits de conversion sont précieux, pour rendre gloire de l'action de Dieu dans nos vies et constater à quel point la relation qu'il tisse avec chacun est personnelle.
La conversion de l'apôtre Paul est d'autant plus frappante qu'il était un ardent persécuteur de l’Église naissante. Voici le témoignage qu'il donne dans les Actes des Apôtres, lorsqu'il se fait arrêter au Temple à Jérusalem (chapitre 22) :
« Je suis Juif, né à Tarse en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville. […] J'ai persécuté à mort ceux qui suivaient le Chemin du Seigneur Jésus ; j'arrêtais hommes et femmes, et les jetais en prison. […]
Comme j'étais en route et que j'approchais de Damas, soudain vers midi, une grande lumière venant du ciel m'enveloppa de sa clarté. Je tombai sur le sol, et j'entendis une voix me dire : "Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?" Et moi je répondis : "Qui es-tu, Seigneur ? Je suis Jésus le Nazaréen, celui que tu persécutes." […] Alors je dis : "Que dois-je faire, Seigneur ?" Le Seigneur me répondit : "Relève-toi, va jusqu'à Damas ; et là on te dira tout ce qu'il t'est prescrit de faire." Comme je n'y voyais plus rien, à cause de l'éclat de cette lumière, je me rendis à Damas, conduit par la main de mes compagnons.
Or, Ananie, un homme religieux selon la Loi, à qui tous les Juifs résidant là rendaient un bon témoignage, vint se placer près de moi et me dit : "Saul, mon frère, retrouve la vue." Et moi, au même instant, je retrouvai la vue, et je le vis. Il me dit encore : "Le Dieu de nos pères t'a destiné à connaître sa volonté, à voir celui qui est le Juste et à entendre la voix qui sort de sa bouche. Car tu seras pour lui, devant tous les hommes, le témoin de ce que tu as vu et entendu. Et maintenant, pourquoi tarder ? Lève-toi et reçois le baptême, sois lavé de tes péchés en invoquant son nom." »
On peut dire que le Seigneur prend les grands moyens ! Cette intense lumière rend Saul aveugle et le fait tomber à terre, lui qui était si hautain et plein de certitudes. Et Jésus le questionne, l'apostrophant par son nom, car il le connaît depuis toujours : ''Pourquoi me persécuter ?'' Question qui désarçonne, car elle renvoie le persécuteur à sa propre conscience, ses (mauvais) choix, pour que la vérité se fasse par elle-même, dans la charité. Elle rappelle celle que Jésus fit pendant sa Passion au garde qui le giflait : "Si j'ai mal parlé, montre-moi ce que j'ai dit de mal. Mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?" (Jean 18, 23).
Dieu se révèle à travers son Fils, mais plus encore il révèle l'apôtre à sa vocation personnelle. Et ce chemin passe par l’Église, puisque le Christ n'envoie pas directement Paul en mission : il le redirige vers Ananie, à Damas. C'est auprès de lui que Paul retrouve la vue, reçoit le baptême et est envoyé pour évangéliser. La foi revêt alors pour lui une force extraordinaire, ce qui lui permet de témoigner avec assurance (lettre aux Galates 1, 11-16) :
« L’Évangile que j'ai proclamé n'est pas une invention humaine. Ce n'est pas non plus d'un homme que je l'ai reçu ou appris, mais par révélation de Jésus-Christ. Vous avez entendu parler du comportement que j'avais autrefois dans le judaïsme : je menais une persécution effrénée contre l’Église de Dieu, et je cherchais à la détruire. […] Mais Dieu m'avait mis à part dès le sein de ma mère ; dans sa grâce, il m'a appelé ; et il a trouvé bon de révéler en moi son Fils, pour que je l'annonce parmi les nations païennes. » |
Je vous ai proposé une représentation étonnante de cet épisode par William Blake (1757-1827), artiste anglais, qui reprend les différents éléments de cette scène. Tout d'abord, la lumière éclatante, d'un beau jaune, nimbe la scène, tandis que les soldats et leurs lances – symboles de l'ancienne activité de persécuteur – sont relégués dans l'ombre.
Le cheval n'est pas présent dans le texte biblique mais il est traditionnellement représenté, souvent cabré et jetant à bas sa monture comme pour symboliser l'orgueil terrassé de Saul. Ici, le cheval n'est pas du tout menaçant : au contraire, il semble s'être agenouillé de lui-même et courbe humblement la tête devant la manifestation divine. Les animaux seraient-ils des maîtres spirituels ? Pourquoi pas, si on se rappelle l'histoire de l'ânesse de Balaam ! (livre des Nombres 22, 21-34)
On remarque la profondeur du regard que porte le Christ sur saint Paul. L'apôtre semble ne pas pouvoir détacher les yeux de son Seigneur qu'il rencontre pour la première fois :"Qui es-tu ?" Cette vision le rend aveugle momentanément, mais pour mieux rouvrir des yeux renouvelés par le baptême qui le transformera en missionnaire. Désormais, Paul est entièrement configuré au Christ ; il ouvre les bras en croix, prêt à épouser la cause du Crucifié par une vie donnée.
Cet article est inspiré d'un post du p. Venceslas Deblock, prêtre du diocèse de Cambrai, qui commente ce tableau.
Descriptif de l'œuvre sur le site du Huntigton Art Museum (en anglais).
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