Ce mois-ci, je souhaite vous partager deux pépites lues récemment. Ce sont deux romans, dont un en deux tomes, qui se déroulent à la même période historique: la Révolution. Ah, la Révolution: nous sommes bien placés pour savoir que cette frange de l'histoire est méconnue et controversée. Cependant, les deux romans dont je vais vous parler m'ont semblé justes dans leur description de la tragédie qui frappa notre beau pays.
Adèle d'Aiguebrune, de Pascale Rey.
Ce premier roman raconte l'histoire d'Adèle. Jeune femme de petite noblesse, orpheline de mère, Adèle est une enfant différente: elle est bossue. Cette malformation pourrait lui coûter, c'est d'ailleurs le cas au début de sa vie. Mais ce n'est pas la voie que choisit Adèle. Plutôt que de se considérer malchanceuse, voire maudite par la nature, cette jeune femme se conduira tout au long du roman en véritable héroïne et en modèle. On assiste avec elle à l'éclosion de la France révolutionnaire, au non-sens de la violence républicaine, à la déchéance d'une noblesse souvent trop désinvolte, mais aussi à la puissance de l'amour qui aide à tenir dans l'épreuve.
Toujours plus d'horreur. Mais toujours plus d'espérance. Le goût que ce livre laisse est doux. Son style, léger mais travaillé. On suit les péripéties d'Adèle comme on regarderait un bon film, en attendant la suite avec impatience. L'auteure ne mâche pas ses mots, et les évènements, personnages et lieux sont décrits et racontés avec une rigueur digne des plus grands historiens.
En définitive, voici un récit des plus riches et des plus instructifs. Romancé sans verser dans la niaiserie, la fresque que dresse Pascale Rey laisse entrevoir une Révolution comme jamais les livres d'histoire ne l'ont décrite.
"Le soir tombe lentement. Un reste de lumière vient mourir sur l’eau, s’enfonçant comme une lame dans la surface calme que rien ne peut déchirer. Comme j’aime cet étang, sa sauvagerie paisible et son indifférence. Aux heures les plus cruelles, c’est ici que je suis venue chercher un peu d’apaisement. J’y viens encore ce soir, malgré le froid. Il n’est de souffrance que l’étang ne puisse partager avec moi. Depuis si longtemps que nous sommes ensemble. Depuis toute ma vie."
Le dernier bain, Gwénaële Robert.
Paris, an II, soit l'année 1793. Le roi est mort. Son épouse va le suivre très vite. Dans un Paris toujours plus sanglant, la Terreur règne. D'une part, il y a les citoyens et citoyennes. Ceux qui espionnent, dénoncent, et se frottent les mains, sans savoir qu'un jour, leur tête sera coupée aussi. Ceux qui luttent intérieurement, qui n'adhèrent pas toujours à cet esprit scabreux que la république impose. Ceux qui abjurent leur foi, trahissent leurs amis ou retournent leur veste pour ne pas finir à l'échafaud. D'autre part, il y a les pontes: ceux qui, depuis leur appartement, dressent des listes de tête à couper, reçoivent des plaintes, des conspirations, félicitent les dénonciateurs, et s'appliquent à parfaire le climat effrayant de cette année si étrange. Parmi eux, Marat, atteint d'une maladie de peau, passe ses journée dans des bains de soufre, seule médecine qui le soulage. De là, il fait son travail de député. Entre les citoyens qui subissent la peur et ceux qui la répandent, il y a les résistants.
Marthe, celle qui lessive le linge de Marie-Antoinette, et qui assiste à son malheur en même temps qu'elle découvre son innocence. Elle est là lorsqu'on enlève à la veuve Capet son fils unique. Elle est révoltée par tant de souffrance.
Jane, la jeune anglaise qui assiste, choquée, à tant d'horreur.
Charlotte, celle qui, venue de sa Normandie, fomente la mort de Marat. Celle qui, âgée de 24 ans, tuera de sang froid le soi disant "Ami du Peuple" tant redouté, celui qui fit couler tant de sang.
« Jusqu’à quand, ô malheureux Français, vous plairez-vous dans le trouble et dans les divisions ? Assez et trop longtemps des factieux, des scélérats, ont mis l’intérêt de leur ambition à la place de l’intérêt général ; pourquoi, victimes de leur fureur, vous anéantir vous-mêmes, pour établir le désir de leur tyrannie sur les ruines de la France ? (...)
Mes parents et mes amis ne doivent point être inquiétés, personne ne savait mes projets. Je joins mon extrait de baptême à cette adresse, pour montrer ce que peut être la plus faible main conduite par un entier dévouement. Si je ne réussis pas dans mon entreprise, Français ! Je vous ai montré le chemin, vous connaissez vos ennemis ; levez-vous ! Marchez ! Frappez ! »
Extrait de la lettre trouvée sur Charlotte lorsqu'elle fut fouillée après être arrêtée.
Dans ce roman, plusieurs histoires s'entremêlent. Toutes se passent au même moment. On se met dans la peau d'êtres qui ont vécu tant d'émotions, traversé tant d'épreuves, et surtout, on comprend à quel point la liberté et la soif de justice peuvent guider au point de vouloir délivrer tout un peuple.
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture ! Vous pouvez vous procurer ces livres en passant commande chez votre libraire préféré (pensez à eux en cette période de confinement !)
Et surtout, réagissez, commentez, partagez !!
Agnès T.
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