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La folie d'une vie donnée

Si vous êtes comme moi, vous essayez tant bien que mal, chaque année, de "réussir" (oh le vilain mot!) votre carême, ou au moins de ne pas trop passer à côté. Finalement, près de six semaines ont passé et c'est déjà la Semaine Sainte qui commence. On peut bien participer aux cérémonies, regarder La Passion du Christ pour essayer de se rendre un peu mieux compte de ce qui s'est vraiment passé, mais il y a toujours le risque d'être habitué. On connaît les récits, les cérémonies presque par cœur et finalement on pourrait arriver à trouver tout cela banal…


Mais non, il n'y a rien de banal! En fait, c'est une pure folie!


Si l'on y réfléchit bien, dès le début, la naissance dans la crèche de Bethléem ou la fuite en Égypte étaient des folies. Mais si l'on ne regarde que ce qui se passe dans les derniers temps avant la Pâque, on trouve déjà de beaux échantillons.


Ce qui est fou, c'est que Jésus, sachant ce qui allait arriver, (Mt. 20, 17-19) ait tout de même choisi, par amour du Père, de monter à Jérusalem:

"L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. […] Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! " (Jn12, 24-28)


Ce qui est fou aussi, c'est que le Père choisisse d'envoyer son propre Fils pour "donner sa vie en rançon pour la multitude." (Mt. 20, 28) Donner sa propre vie, passe encore… Mais donner celle de son enfant, c'est autre chose! Combien de fois entend-on plutôt des parents qui préfèreraient prendre sur eux les malheurs qui arrivent à leurs enfants plutôt que de les voir souffrir. Or, ici, c'est l'inverse. Le Père donne ce qu'Il a de plus précieux. Il accepte de voir son Fils maltraité, torturé et tué pour que cette multitude, dans laquelle on trouve aussi bien des bons que des méchants, soit sauvée!


Et la seule chose qui explique cette folie, c'est l'amour infini que Dieu a pour les hommes qui s'étaient séparés de Lui et ne pouvaient pas par eux-mêmes payer la dette immense qu'ils avaient contractée. Puisque seul Dieu était assez "riche" pour le faire, il a donc fallu, pour nous ramener dans une relation d'amour avec Lui, qu'Il s'incarne et vienne Lui-même acquitter la note.


L'amour du Père est gratuit. Il nous aime parce qu'Il nous aime et c'est tout. Nous n'avons rien besoin de faire pour mériter cet amour, c'est un cadeau. À nous de le recevoir et de l'accepter simplement, sans calculs, sans compromis, sans fausse modestie… Malheureusement l'existence de cet amour purement gratuit n'est pas si simple à concevoir, surtout dans notre petit monde quotidien.


Pourtant, il faudra bien nous y essayer puisque Jésus nous l'enseigne par ses paroles et son exemple et nous en fait un commandement:

"Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande." (Jn. 15, 9-14)


Que l'amour nous conduise à nous donner d'une manière ou d'une autre, cela peut s'expérimenter assez facilement avec nos amis, nos familles,… car cela est assez concret et immédiat.


Le "problème", c'est que Jésus nous pousse plus loin pour L'aimer en vérité:

"Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, Il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. […] Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait." (Mt. 5, 43-48)


Logiquement, s'il faut donner sa vie pour ceux qu'on aime et aimer ses ennemis, il faudra donc donner sa vie même pour ses ennemis... Et là, on arrive de nouveau à une folie! C'est son exemple que Jésus nous demande de suivre. Et Il continue:

Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. (Mt. 16, 24-26)


Alors en avant, avec la grâce de Dieu!


Seigneur, envoie-nous des fous

Qui s'engagent à fond,

Qui s'oublient, qui aiment autrement qu'en paroles,

Qui se donnent pour de vrai et jusqu'au bout.

Il nous faut des fous, des déraisonnables, des passionnés,

Capables de sauter dans l'insécurité :

L'inconnu toujours plus béant de la pauvreté.

Il nous faut des fous du présent,

Épris de vie simple, amants de paix,

Purs de compromission, décidés à ne jamais trahir,

Méprisant leur propre vie,

Capables d'accepter n'importe quelle tâche,

De partir n'importe où :

A la fois libres et obéissants,

Spontanés et tenaces doux et forts.

O Dieu envoie-nous des fous

P. Louis-Joseph Lebret


Bonne Semaine Sainte à tous!

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