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Jeûner sous le regard de Sainte Hildegarde






Si le jeûne est devenu, depuis quelques années, très à la mode dans le secteur du bien-être en vue de purifier son corps et son esprit, l’Eglise catholique nous appelle de son côté à un jeûne sanctifiant, particulièrement en cette période du Carême instituée « pour imiter en quelque façon le jeûne rigoureux de quarante jours que Jésus-Christ fit dans le désert, et pour nous préparer par la pénitence à célébrer saintement la fête de Pâques. »[1]


C’est à cette occasion que j’aimerais vous convier à entrer en Carême sous le regard de sainte Hildegarde.


Sainte Hildegarde de Bingen est une abbesse bénédictine allemande (permettez-moi l’anachronisme) du XIIe siècle ayant bénéficié de visions depuis son plus jeune âge. Ses visions ont été reconnues comme étant d’origine divine par Saint Bernard de Clairvaux ainsi que par le pape Eugène III, qui l’incite à poursuivre la rédaction de ses visions.

Saint Bernard lui-même lui écrira : « Nous nous félicitons de la grâce divine qui est en toi : nous t’exhortons de la considérer comme une grâce et de t’efforcer d’y répondre avec un sentiment de totale humilité… »


Hildegarde fut béatifiée en 1244 par le pape Innocent IV, et inscrite au Martyrologe romain à la fin du XVIe siècle. Son culte a été étendu à l’Eglise universelle par le pape Benoît XVI le 11 mai 2012 qui la proclame Docteur de l’Eglise le 7 octobre suivant.


Outre le Scivias, le plus important recueil de ses visions, elle a également rédigé de nombreux autres travaux dont Physica et Causa et Curae, ses principaux recueils « médicaux ». Elle est également connue pour ses œuvres musicales et pour la fondation de plusieurs abbayes, dont celle de Bingen.


Si je devais tenter de résumer en un mot l’ensemble de l’œuvre de Sainte Hildegarde, je choisirais l’harmonie : tout chez Hildegarde est un appel à retrouver l’harmonie entre l’homme et son Créateur, entre l’homme et la création et entre l’âme et le corps.





Dans le Scivias, Hildegarde nous invite au jeûne voulu par Dieu : « Lorsque tu dis que tu ne peux opérer les bonnes œuvres, tu le dis dans l’injustice de l’iniquité. Car tu as des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un cœur pour penser, des mains pour agir, des pieds pour marcher ; de telle sorte que tu peux te lever ou te baisser, dormir ou veiller, manger ou jeûner, c’est ainsi que Dieu t’a créé. Résiste donc à la concupiscence de la chair et Dieu t’aidera. Car, lorsque tu t’opposes à Satan, comme un valeureux guerrier à son ennemi, alors Dieu se complaît dans ta résistance, et veut que tu l’invoques constamment, à toute heure, et dans toutes les embûches. Mais lorsque tu ne veux pas dompter ta chair, alors tu l’engraisses de vices et de péchés, et tu lui retires le frein de la crainte de Dieu, avec lequel tu devrais la retenir, pour qu’elle ne tombât pas dans la perdition. »

Dans cette vision, Dieu nous rappelle qu’il n’y a pas d’opposition entre l’âme et le corps, que le corps a pour vocation la sanctification de notre âme.


Ainsi, tout au long de son œuvre, sainte Hildegarde aborde la question du jeûne, parfaitement résumée par les études et travaux des docteurs Hertzka et Strehlow, les plus grands spécialistes catholiques de ce que l’on surnomme aujourd’hui la « médecine hildegardienne ».


Avant d’aborder les différents types de jeûne, il me semble bon de faire un point sur la maladie, telle que nous la présente la Sainte Abbesse : « L’homme est souvent atteint de maladie grave quand ses viscères ne fonctionnent pas selon un rythme naturel. L’âme alors envoie une tempête dans l’organisme du pécheur, afin de le pousser au repentir. (…) L’âme se transforme en conscience, elle avertit l’homme, le remet sur la bonne voie et le console afin qu’il ne se décourage pas. »


La guérison du corps et de l’âme ne peut venir que d’un rapprochement de Dieu, de la foi qui engendre les bonnes actions, d'un équilibre de vie qui rend corps et âme à nouveau sains.


Si Sainte Hildegarde nous propose plusieurs types de jeûnes, dont l’un strict, je ne m’attarderai que sur celui appelé jeûne à l’épeautre, ou monodiète.


Il s’agit d’un jeûne de longue durée, consistant en une alimentation à base d’épeautre, de légumes et de fruits, pouvant convenir aussi bien aux personnes bien portantes qu’aux personnes malades, aux adultes comme aux enfants, et qui a de plus le mérite d’être complètement sécuritaire.


Les légumes et les fruits doivent être sélectionnés en fonction de leurs forces curatives, longuement décrites dans Physica[2], en omettant les fameux « poisons de la cuisine » que sont le poireau, la pêche, la prune, la fraise, les crudités et les boissons caféinées ou théinées (la différence entre la caféine et la théine résident dans leur nom. Il s’agit de la même molécule).


Pour ce qui est des crudités, je parle des fruits ou des légumes consommés tels quels, sans accompagnement. Ils devront soit être accompagnés de vinaigre et d’aneth, soit pochés : « Quand, parfois, l’homme abuse des aliments crus, mal cuits ou à moitié cuits, en particulier s’ils sont gras et lourds, ou bien sans force et secs, le cœur, le foie et le poumon et les autres organes de conservation de la chaleur du corps, n’apportent alors plus à l’estomac la quantité et la qualité de chaleur nécessaire. C’est pourquoi, en arrivant dans l’estomac (…) ces aliments moisissent ; ou bien il se remplit de glaires, si bien que les humeurs viciées envoient partout des gaz nocifs provenant de l’intestin, qui sentent (…) aussi mauvais qu’un tas de fumier. »


En bref, la consommation de crudités entraîne la formation de substances putrides car l’estomac humain ne contient pas d’enzymes pouvant assurer la division de la cellulose, à l’inverse des ruminants (rumen). De plus, l’ajout systématique de vinaigre et d’aneth pour l’accompagnement des crudités (salées !) aura l’intérêt d’abaisser l’index glycémique. N’ayez donc plus peur de « cuire » votre salade !


Pour ce qui est du fameux épeautre, voici ce que nous en dit Hildegarde : « L’Epeautre est un excellent grain, de nature chaude, gros et plein de force, et plus doux que les autres grains. A celui qui le mange, il donne une chair de qualité et fournit du sang de qualité. Il donne un esprit joyeux et met de l’allégresse dans l’esprit de l’homme (…)[3] »

Un aliment idéal quand on sait que Notre Seigneur Jésus Christ nous appelle à jeûner dans la joie.




Attention toutefois à l’épeautre que vous consommerez ; grand ou petit, il doit impérativement porter la mention « non hybridé ». Et oui… le petit aussi : celui-ci commençant depuis quelques années à subir l’hybridation dans le but d’obtenir un meilleur rendement.


Vous trouverez en bas de cet article les adresses où vous pourrez vous procurer un épeautre de qualité.


En plus de ses qualités nutritives, le jeûne à l’épeautre a le mérite d’être assez simple à mettre en place.


Voici un exemple de repas sur une journée :


  • Matin : pain d'épeautre, pancakes à la farine d'épeautre, muffin (Bon... on est quand même en Carême !), muesli, tisane ou café d'épeautre

  • Midi : soupe additionnée de semoule fine d'épeautre

  • Soir : Pâtes d'épeautre avec une sauce maison aux légumes, laitue saupoudrée de grains d'épeautre, compote pouvant être épaissie avec de la semoule fine d'épeautre



Particulièrement riche, l’épeautre apporte à notre organisme de très nombreux nutriments, que ce soit des protéines, des acides gras insaturés, et notamment des oméga 3, des vitamines ainsi que des oligo-éléments et minéraux.


Parmi ceux-ci, je voudrais notamment insister sur la teneur en magnésium de l’épeautre, afin de démontrer combien cet aliment, conformément aux écrits de la sainte, rend le cœur joyeux, CQFD !


Pour ce qui est du jeûne strict, il ne peut être pratiqué qu’accompagné par un professionnel qui vous conduira à y préparer votre organisme et à le remettre en route. Cet accompagnement est impératif, de façon à ce que le remède ne soit pas pire que le mal.


Dans la pure lignée de la Règle de St Benoît[4], Sainte Hildegarde nous appelle à un jeûne joyeux, visant à retrouver l’harmonie entre le corps et l’âme, entre la créature et le Créateur.


Nos vies quotidiennes se prêtent mal à la pratique du jeûne strict au quotidien, et nous devons garder à l’esprit que nous devons rester capables de réaliser nos devoirs d’état.


Saint François de Sales écrit très justement qu’il nous faut « traiter notre corps comme un enfant ; le corriger sans l’assommer. » Tomber d’inanition n’a, il me semble, aucune utilité ni temporelle, ni spirituelle …


L’Eglise nous appelle à nous mettre en chemin vers la Joie pascale, non pas en pleurant et en grinçant des dents, mais au contraire à vivre dès aujourd’hui de cette joie vraie, profonde.

« Mais toi, lorsque tu jeûnes, parfume ta tête, et lave ton visage, afin de ne pas faire voir aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père, qui est présent dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 16-18)


L’occasion idéale pour mettre en application les préceptes de la Sainte, révélés par Dieu, avec le soutien de la prière et des sacrements et notamment la confession et la Sainte Eucharistie.



Les bonnes adresses :

Les Jardins de sainte Hildegarde : https://www.lesjardinsdesaintehildegarde.com/

Le Grenier d’épeautre : https://www.epeautre.net/





[1] https://www.marie-julie-jahenny.fr/catechisme-saint-pie-x.pdf [2] Editions Jérôme Millon [3] Hildegarde de Bingen – Physica – Chapitre V [4] https://la.regle.org/

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