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Saintes de l’Ancien Testament : des femmes pour aujourd’hui 1. Ruth et Noémi


Ruth dans le champ de Boaz, Julius Schnorr von Carolsfeld (1828)


« J’irai où tu iras »

Ça ressemble à une chanson de Goldman, ça nous replonge peut-être dans le temps un peu fougueux des premiers émois ou des fiançailles, à cette fois où l’on avait fait cinq heures de route chacun pour se retrouver, où l’on avait défié un couvre-feu ou passé une nuit blanche au téléphone…

On imagine tous les serments solennels entre deux amoureux, on pense à ce petit rictus, ce petit clin d’œil ou ce sourire qui nous a fait tant craquer chez lui, et qu’on aimera toujours.


« Ton peuple sera mon peuple »

Ça ressemble cette fois à du Kipling, à la fidélité de Frère Gris pour Mowgli. On se rappelle les premières amitiés qu’on a construites ensemble, nos amis qui sont autant les tiens que les miens, nos enfants aussi qui descendent de ta famille et de la mienne. Plus fortes encore que les belles aventures vécues en couple, il y a ce que l’on construit en couple.


Sauf que…

ce n’est pas à son mari que parle Ruth mais à sa belle-mère. Douche froide. « J’irai où tu iras Belle-Maman, parce que tu es veuve et que tu as besoin de moi. J’irai où tu iras alors que mon propre mari, le seul qui me reliait à toi, est mort à son tour. »

Au revoir Goldman, bonjour Ruth. C’est moins romantique, moins mignonnet. Sacrément plus impressionnant.

Elle n’est pas obligée de rester avec Belle-Maman, Ruth. « Retournez chez vous, mes filles ! Pourquoi venir avec moi ? Pourrais-je encore avoir des fils à vous donner comme maris ? » lui dit Noémi, sa belle-mère. C’est donc tout librement qu’elle choisit d’accompagner sa belle-mère. Certes la belle-mère doit avoir bien des qualités puisque son prénom veut dire « ma gracieuse » mais enfin, c’est encombrant une belle-mère, lorsqu’on veut refaire sa vie ! D’ailleurs elle le sait bien elle-même qu’avec les épreuves elle vieillit mal : « Ne m’appelez plus Noémi (Ma-gracieuse), appelez-moi Mara (Amertume). » Et puis, on peut penser qu’elle porte la poisse, puisqu’autour d’elle ça ne cesse de mourir : son mari et ses deux fils (entre nous, on ne prénomme pas ses fils « Maladie » et « Épuisement », à moins de n’avoir pas beaucoup de goût et de n’être pas du tout superstitieuse).



« J’irai où tu iras ». Belle-Maman, je commencerai par venir en vacances chez toi, je ne me contenterai pas de te déposer mes enfants comme on les laisse à la nounou. Je t’accompagnerai dans ton passé aussi : tu m’apprendras Tante Aglaé et les souvenirs de mon mari petit, même si parfois tu oublies que tu me les as déjà racontés. J’irai une fois ou l’autre au verger avec toi, au lieu de profiter de tes confitures sans t’aider. J’irai prier avec toi aussi, car au fond nous avons les mêmes êtres chers à confier.

Plus tard j’irai prendre soin de toi à l’hôpital ou en Epadh, en redevance des soins portés à mon mari quand tu le préparais encore à devenir un homme.



Sainte Ruth, je te nomme patronne des belles-filles. Aide-nous à aimer droitement nos belles-mères, non par devoir mais par volonté. Donne-nous le courage de les accompagner dans les épreuves de la vie, de les réconforter dans l’amertume.

La société voudrait nous faire croire que les belles-mères sont des jalouses, des rancunières, des marâtres en un mot. Noémi au contraire ne veut que ton bonheur depuis que tu lui as montré ton cœur et as partagé avec elle ta récolte. Elle te prodigue des conseils de séduction (plutôt osés d’ailleurs) et t’arrange un mariage. Nous, nous tremblons sans doute que nos belles-mères ne se mêlent de notre mise, de nos parfums et plus encore de nos sentiments. Mais au fond elles ont sûrement de bonne intentions : elles désirent voir leur fils heureux ; et peut-être de bons conseils : elles l’ont côtoyé suffisamment longtemps pour savoir comment lui plaire.


Sainte Noémi, je te nomme patronne des belles-mères. Aide-les à lâcher prise, à laisser libres leurs brus. Aide-les à vouloir le meilleur pour elles, à ne prodiguer conseils et remarques que pour leur bien et avec tact. Donne-leur de valoriser les actions de leurs belles-filles et de reconnaitre les fruits qu’elles portent.


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