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Photo du rédacteurMarie D

"Papa", un métier ?...

…ou un surgissement ?



« Tout le monde sait comment on fait des bébés

Mais personne ne sait comment on fait des papas… »


L’air de Stromae trotte encore dans la tête…


« Personne ne sait comment on fait des papas »


Et si justement, il en était ainsi pour la simple raison qu’on ne fait pas les papas… ?




Il n’y a pas de mode d’emploi


Il n’existe pas une technique à appliquer, un processus à observer rigoureusement, à la lettre, sous peine de rater sa vie de père… Le père est invité à avancer, sans maîtriser.

L'enfant pousse à tout moment le père hors de sa zone de confort.


Ni de qualification exigée


Pour être père, il n’est pas question d'attendre d’en être capable, d’avoir acquis des qualifications requises, d’être « suffisamment » responsable...

Il n'y a pas de "projet".

A une conférence donnée en 2014 à Fribourg – « Donner la vie à un mortel ? » –, Fabrice Hadjadj affirmait que si l’on attendait d’être assez mûr pour avoir un enfant, on risquait d’attendre longtemps... Car on n’est jamais capable d’avoir un enfant. On n’est jamais assez mûr. A attendre, on ne vise plus tant à devenir père qu'expert...


Être responsable, nous dit le philosophe, ce n’est pas contrôler, mais c’est accepter que la vie nous dépasse.
Il ne faut pas attendre d’être responsable pour devenir père. C’est quand on donne la vie que l’on devient responsable.


Se lancer dans une aventure


Il faut accepter d’entrer soi-même dans la paternité pour devenir père. C’est encore dans la bouche de Fabrice Hadjadj, à cette même conférence, que j’ai entendu ces paroles : je ne suis pas père par anticipation intellectuelle. C’est parce que l’enfant est là que je suis père.


C’est une aventure : quelque chose nous dépasse. Quelque chose de totalement inconnu, inimaginable. On ne peut pas anticiper, prévoir, contrôler, maîtriser.

Il y a un événement qui se passe. Et je suis invité à y répondre, à me lancer dans l'aventure, à plonger dans ce qui est ma vie.

Dans l'introduction du livre de Fabrice Hadjadj – Être père avec saint Joseph ; Petit guide de l’aventurier des temps postmodernes (mai 2021) –, je retrouve bon nombre d’idées entendues à cette conférence qui m’avait marquée. Avec ce style qui lui est propre, l’auteur, père de neuf enfants, compare les géniteurs en série aux tueurs en série, et interroge cette capacité à être père :

« Il y a sans doute une grande arrogance à prendre la vie de quelqu’un ; mais l’arrogance est-elle moindre de la donner et de s’en instaurer l’intendant alors qu’on n’en est pas capable et qu’on n’y comprend rien ? Quelle présomption, je dois l’avouer, quand je vois ce qui reste en moi d’adolescent attardé… »


« Est-ce que je réalise pleinement ce qu’est la paternité ? Puis-je prétendre, étant pécheur et perdu comme les autres, que je ne tombe ni dans les brutalités du père fouettard, ni dans les mièvreries du papa-poule, et que je suis fin prêt à jeter un enfant dans ce monde avec toutes les garanties du succès, en maîtrisant parfaitement la situation ? Non, je ne le peux pas. Nous ne sommes jamais prêts à être pères. Cela nous tombe dessus… »


« Peut-être, cependant, ne s’agit-il pas d’être prêt, comme pour une compétition. Peut-être s’agit-il de reconnaître que c’est au-dessus de nos forces, comme pour une louange. Peut-être que la paternité est comme la naissance : elle nous échoit avec et malgré nous, envers et contre tout (…). Peut-être qu’elle n’est pas le résultat d’un calcul mais la source d’une liberté, bref, qu’elle est la vie même.


Qui a dit que la vie devait être un programme ? Le père n’est pas un expert. C’est un pauvre type qui poursuit bon an mal an l’aventure de ses pères. Il participe à ce qu’il y a de plus incompréhensible et de plus vivant.


Et c’est ici qu’entre en scène Joseph de Nazareth – père parce que fils, père parce que tout lui échappe, père parce qu’il s’y perd, sans pour autant se décourager. »




Plonger dans un mystère


Aujourd’hui, la confusion règne dans de nombreux domaines : homme ou femme, personne ou animal, être humain ou machine… Les frontières sont brouillées et il faut maintenant trouver des mots pour parler de ce qui auparavant était une évidence.


Qu’est-ce qu’un père ?


En cette année Amoris laetitia – la joie de l’amour – instituée par le Pape, nous sommes invités à contempler le couple, la famille, le père, la mère...


Qu’est-ce qu’un père ? Qu’est-ce que devenir père ?


La question est loin d’être évidente. Voici, avec ces témoignages de pères de famille, quelques éléments qui nous donnent de toucher des aspects de la paternité, de nous émerveiller devant ce mystère qui nous dépasse. Merci à ces pères d'avoir accepté de poser des mots sur cette expérience de vie. En tant que femme, et mère, c'est aussi de l'admiration qui jaillit en moi, devant le père de mes enfants, devant chaque père, devant ces hommes qui acceptent l'aventure.




D’un père de trois enfants :


Avec chacun de nos trois enfants, j’ai vécu une sorte de triptyque : gratitude, violence et joie.


D’abord, la gratitude : qu’il me soit donné de devenir père, quel cadeau ! Je ne l’ai pas mérité, je ne l’ai pas réussi, ça aurait pu ne pas être possible, mais j’ai reçu ce cadeau. Ma femme dit parfois : « Ce n’est jamais le bon moment pour avoir un enfant » ; car si nous avions pu le choisir, nous n’aurions jamais choisi ces moments pour la grossesse : entre-deux professionnels, périodes de déménagement... Mais, a posteriori, à chaque fois, le moment était finalement le bon ! Nous n’aurions pas su le choisir, mais c’était le bon ! Et comme le dit le proverbe espagnol, « L’enfant arrive avec son pain sous le bras ». Naître, rencontrer ma femme, et donner la vie sont probablement les plus beaux cadeaux de ma vie.


Ensuite, la violence. Qu’est-ce que ce mot vient faire dans un témoignage sur la paternité ? En fait, elle est très présente pendant la grossesse et à l’accouchement, dans le corps de la femme. Mais elle est présente aussi dans le couple : l’enfant naît entre la mère et le père, d’une certaine façon, c’est une force centrifuge qui (malgré lui) les sépare. Ou alors, c’est une force centripète qui attire (malgré lui) à lui. La mère reconfigure sa féminité : elle accorde une place importante au bébé. Le père ne trouve pas toujours sa place… En ce qui nous concerne, avant chaque grossesse, nous avions un bon rythme familial, la vie était belle. Et chaque grossesse, chaque naissance, est venue mettre un gros coup de pied dans la fourmilière ! Pas facile à chacun de retrouver sa place, au couple de se retrouver. Avec ma femme, nous nous disons souvent : « Quand le couple va, la famille va », c’est une façon de re-choisir nos priorités.


Enfin, la joie ! C’est une des conséquences de la gratitude, c’est aussi une joie toute nouvelle et réciproque dès que le bébé commence à sourire. L’un des mots préférés de notre petit en ce moment : « Encore ! ». Ce n’est pas pour autant une joie passive ! On se dit souvent avec ma femme qu’on n’aime jamais autant nos petits que quand ils dorment. C’est une blague, mais pas que… ! La joie, c’est le présent, c’est aussi d’imaginer l’avenir avec eux. C’est la joie d’être responsable, c’est la joie d’éduquer à la liberté. La joie de se dire : « Est libre celui qui rend libre ». Être père, c’est un appel à être toujours plus libre !




D’un père de deux enfants :


Avec deux jeunes enfants de deux ans et neuf mois, la paternité est pour moi une expérience bien courte, un balbutiement presque, mais qui néanmoins me marque déjà profondément.


Ces vies nouvelles sont au milieu de l’histoire des hommes quelque chose d’ordinaire voire de trivial et pourtant je me sens confronté à un mystère infini, au mystère de la création.


La matière n’a pas changé, les mêmes atomes sont toujours là et pourtant une vie est apparue. En écrivant ces quelques mots je pense au passage du livre de la Genèse où l’auteur raconte que Dieu a pris de la boue et a modelé l’homme. Ce texte m’a toujours paru très lointain, trop imagé, presque au-delà du temps et du réel ; ne décrit-il pas un fait survenu il y a plusieurs millions d’années ? Mais en y repensant aujourd’hui je trouve que c’est la description la plus juste de ce qui a eu lieu : ce n’est pas le passé, c’est le présent de notre couple.


Et le fait que Dieu veuille que cette création ait pour cadre nos étreintes, notre amour, et qu’Il nous donne la charge de nos deux petits malgré nos faiblesses et notre légèreté donne encore plus le tournis. Dieu a marqué l’amour humain du sceau de la grandeur. C’est un mot qui m’a frappé lors du baptême du deuxième (et peut-être le seul que j’ai entendu) « les parents sont Dieu pour leurs enfants », quelle responsabilité et je dois dire quel honneur.


Alors Dieu veille sur notre humilité, nos enfants sont libres et nous le font sentir, et même à deux ans je me sens parfois bien désarmé devant leurs colères et leurs manques de générosité ; je me sens également bien honteux face à mes colères à moi et mes manques de générosité tout aussi criants.


Mais en même temps, ces enfants enfin nous poussent à donner le meilleur de nous-mêmes. Jamais je n’aurais imaginé être capable d’autant de petits renoncements ; jamais je n’aurais pensé que cette vocation au mariage, toute humble et commune, ne grandisse autant l’homme ; et jamais je n’aurais soupçonné la grandeur de la femme quand je vois les souffrances de l’enfantement et le don quotidien de mon épouse.




D'un père de cinq enfants :


La paternité est un mélange entre Rudyard Kipling et le bienheureux Charles de Foucauld. Je m'explique : Kipling pour son poème "Tu seras un homme mon fils", en particulier le vers "Si tu peux voir l'œuvre de tes mains détruite et tout recommencer" (= une chambre rangée à deux avec patience retournée en moins d'une minute, un jeu choisi avec amour cassé le jour-même...) et pour Charles de Foucauld, il s'agit de ne pas attendre de voir l'accomplissement immédiat de son travail, ni d'attendre une éventuelle marque de gratitude pour ce qu'il fait. Loin d'être une vision pessimiste, c'est possible que l'âge actuel de mes enfants (entre 9 ans et 8 mois) m'invite à me tourner vers ces modèles. Cependant, au-delà des difficultés quotidiennes, les enfants demeurent une immense source de joie pour un père... et une vraie école de travail des vertus : patience, calme, persévérance... Bref la paternité c'est un chemin de sainteté !





Merci pour ces témoignages !


Merci @art_en_liesse pour les illustrations !



Pour aller plus loin :


Si vous souhaitez pénétrer cette aventure de la paternité, à l’école de saint Joseph, le livre de Fabrice Hadjadj pourrait vous intéresser : Être père avec saint Joseph – Petit guide de l’aventurier des temps postmodernes (Éditions Magnificat, mai 2021).


« … un Joseph plus actuel que jamais. Il n’a rien du père idéal, puisque, vu l’enfant dont il a la charge, on peut dire qu’il n’est vraiment pas au niveau. Il accueille la vie, sans avoir de raisons terrestres de le faire (…). L’exemple de ce père sans repères, entièrement abandonné au Père éternel, nous aide à ne pas nous rendre un peu plus complices des ténèbres. Il fortifie les mains languissantes pour qu’au milieu du déluge elles continuent de bâtir une demeure. Il affermit les genoux affaiblis pour qu’au bord de l’abîme, ils continuent de jouer à la marelle. »



Famille chrétienne et Magnificat proposent une rencontre sur le web ce mardi 22 juin 2021, de 20h à 21h, animée par trois pères de famille de la Rédaction de FC. Ce sera l'occasion d'un échange sur l'aventure de la paternité, avec Fabrice Hadjadj. Inscription préalable et gratuite sur www.etrepere.fr



Family phone propose un débat sur Youtube : « Papa où t’es ? Quelle place reste-t-il aux pères ? »

On y écoute débattre Emmanuelle Riblier, psychologue et conseillère conjugale au cabinet Raphaël, l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, prêtre du diocèse de Versailles, et Fabrice Hadjadj, philosophe père de neuf enfants.



Sur le blog, vous trouverez également ces articles, sur le thème de la paternité :

Et un peu de poésie, avec Bonne fête, Papa !


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